Le cheval de bois plus fort que le pur-sang ?

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Dans une récente interview parue dans Pédale, un magazine annuel publié par So Foot, Laurent Brochard – l’ancien champion du monde 1997 – accrédite la thèse du cheval de bois dominant le pur-sang grâce au dopage.

Sauf que cette affirmation est régulièrement contredite par les faits.

Avant les meilleurs restaient les meilleurs

 A la question posée par un journaliste de So Foot : « Avant, avec le dopage à papa, les meilleurs restaient les meilleurs. Mais avec l’ÉPO, la hiérarchie a commencé à être bouleversée, les bourrins pouvaient devenir des étalons… », la Broche rétorque : ‘’ Oui, on s’en est aperçu. Il y a des produits comme ça qui peuvent tout changer et donc sûrement changer ton corps.’’ Tout en répondant à la question, Brochard s’aperçoit que d’accréditer le changement surnaturel dû au dopage à l’ÉPO et alors que lui-même en prenait, décrédibilise ses performances. Ainsi, après son acquiescement initial, son discours change radicalement : « Mais quand même, la hiérarchie restait conforme aux qualités intrinsèques des coureurs, je pense, en tout cas chez Festina, il n’y a pas eu d’abus dans ce genre de choses, en tout cas pour moi c’est sûr. »

Au final, le milieu cycliste – journalistes compris – veut nous faire avaler qu’avant l’apparition de l’ÉPO au début des années 1990, le dopage ne changeait pas la hiérarchie du peloton. Et donc, par corollaire, qu’il n’y avait pas lieu de s’en offusquer. C’est bien sûr l’argumentation de nombreux journalistes ayant assisté sans broncher à l’extension de la triche pharmaceutique et de la plupart des cyclistes, espérant ainsi, pour les premiers, minimiser leur complicité passive et, pour les seconds, nier l’influence du dopage dans leurs performances.

Anquetil : les amphets « changent un cheval de labour en pur-sang d’un jour »

En réalité, des géants du Tour tels Jacques Anquetil – dès le début des années 1960 – affirmaient l’inverse en expliquant que le dopage aux amphétamines « change un cheval de labour en pur-sang d’un jour. » Dans l’émission culte de la télévision ‘’Cinq colonnes à la une’’, le Normand s’était exprimé sur le thème de l’efficacité du dopage : « Sans stimulants, les grandes performances ne seraient jamais battues. » Lors de tests grandeur nature dans des compétitions contre la montre, le ‘’Patron des pelotons’’ des années 1960 avait quantifié l’effet des amphétamines sur ses temps de course. Cette évaluation effectuée sur le Grand Prix de Forli, avait donné – en l’absence de Bomba (dynamite) – une détérioration de la vitesse moyenne de 2,5 km à l’heure sur un parcours de quatre-vingt-sept kilomètres, soit 5,7 % de débours. A titre de comparaison, signalons que Jean-Marie Leblanc, patron du Tour de 1989 à 2006, évaluait à trois kilomètres/heure le gain de vitesse moyenne procuré par l’ÉPO.Les corticos : c’est ce qui fait le plus la différence

 Par ailleurs, certains comme Laurent Fignon font passer les corticoïdes pour des dopants de catégorie inférieure. Ce dernier précisait que du temps de sa splendeur 90% du peloton carburait aux corticos et que cela ne l’empêchait en rien de faire la course en tête. David Millar, professionnel de 1997 à 2014, a un avis plus tranché sur ces fameux corticos : « J’en ai pris. Et, pour moi, c’est ce qui faisait le plus de différence. Presque plus que l’ÉPO. Ça t’assèche. C’est un miracle si j’arrivais à descendre sous les 77 kilos. Une injection de Kenacort® (un corticoïde synthétique) et j’étais à 75 après une semaine, dix jours ! Tu t’imagines le niveau de performance. Deux kilos à ce niveau-là, c’est énorme. Et en course, ça te rend plus fort. La première fois que j’en ai pris après la Vuelta 2001, c’était sur un chrono. J’avais tellement de force que tous mes tendons me faisaient mal. »

Au final, les aides biologiques à la performance (ÉPO, anabolisants, corticos, etc.) mais aussi les amphétamines, apparues au décours du second conflit mondial, modifient la hiérarchie entre les adeptes de la pharmacie et les non-consommateurs.

Article publié dans Cyclosport Magazine, n° 106, juin 2015

 

Une réflexion au sujet de « Le cheval de bois plus fort que le pur-sang ? »

  1. Max

    Il y a quand même quelque chose qui se passe au début des années 90 , l’augmentation des puissances développées est assez significatif. Et elle touche quasiment tout le peloton , l’EPO n’est peut être pas le produit miracle que les médias ont bien voulu nous vendre, mais combinée aux anciens produits, ses effets ont été spectaculaires.

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