« Le système de dopage le plus sophistiqué, le plus professionnel et le plus efficace que le sport ait jamais vu… »

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En réalité, il était haut de gamme mais pas plus avangardiste que celui de ses adversaires directs ou des Allemands de l’Est des années 1980

 Dans son rapport, l’USADA s’arrange avec les faits pour glorifier la réussite de son action antidopage.

Le 10 octobre 2012, le fameux rapport sur les activités biologiques occultes de Lance Armstrong et de sa bande est mis en ligne un peu avant 14 heures. Il fait 202 pages. Annexes comprises, ce rapport s’étalait sur plus de 1 000 pages. Tout était là, même la question de George Hincapie à Armstrong : « Je peux t’emprunter de l’ÉPO ? » et la réponse de son capitaine de route : « Oui ».

Armstrong avoue dès 1996

Dans son pavé, l’USADA qualifiait le dopage au sein de l’US Postal de « programme le plus perfectionné, le plus professionnel et le plus efficace que le sport ait jamais vu ». Sauf que le 27 octobre 1996, dans une pièce de l’Indiana hospital, Armstrong avait révélé à ses médecins – mais aussi devant témoins, notamment Frankie Andreu , son coéquipier, et Betsy l’épouse de ce dernier – qu’il avait pris de l’hormone de croissance sous sa forme humaine, de l’ÉPO, de la testostérone, des stéroïdes anabolisants et de la cortisone. Ce jour-là, il ne parlera pas de transfusions sanguines que l’ÉPO remplace efficacement dans la mesure où elle ne sera décelable qu’en 2001. Après cette date, il passera aux transfusions sanguines. Toutes ces drogues sont parfaitement connues des cadors du peloton ; donc rien de bien révolutionnaire. Détaillons les produits consommés par Lance Armstrong durant toute sa carrière, de 1992 à 2010.

 Le quintet de la dope

Transfusions sanguines – Elles ont été expérimentées au début des années 1970, notamment en athlétisme. En 1976, un coureur du Tour de France reçoit trois transfusions échelonnées durant les trois semaines de course, remporte trois étapes et, au général, termine sur le podium. En 1984, aux Jeux de Los Angeles, l’équipe américaine sur piste voit certains de ses membres subir une homotransfusion, c’est-à-dire avec un sang compatible (un parent donneur). Au final, l’équipe américaine rafle neuf médailles sur quinze possible. Cinq de ses médailles sont en or. Ces faits étaient antérieurs de huit ans aux débuts professionnels de Lance Armstrong.

Erythropoïétine (ÉPO) – Les premiers témoignages de consommation d’ÉPO dans un but de performance, remontent aux Jeux de Calgary en 1988. La démonstration de l’efficacité de cette hormone multiplicatrice de globules remonte au printemps 1994 lorsque l’équipe Gewiss place trois de ses coureurs sur le podium après avoir lâché tous leurs rivaux.

Testostérone (hormone mâle) – Cette substance hormonale fabriquée prioritairement par les testicules ‘’fréquente’’ les enceintes sportives depuis le début des années 1950. Elle a été prohibée à partir des JO 1984 parce que quatre ans plus tôt à Moscou, des tests expérimentaux effectués a posteriori des compétitions olympiques et dans un but d’optimisation des recherches analytiques avaient montré que 10 à 15% des médaillés olympiques des deux sexes avaient recours à la testostérone. A l’époque d’Armstrong et afin de déjouer plus facilement les contrôles, le seul changement concernait le mode d’administration du produit qui d’injectable ou en comprimés, s’appliquait dorénavant localement par l’intermédiaire d’un gel cutané.

Glucocorticostéroïdes ou en langage du peloton ‘’les corticos’’ – Ces produits anti-inflammatoires, anti-douleurs, euphorisants sont dans la pharmacie itinérante des géants de la route depuis… le début des années 1960. Donc, rien de bien nouveau pour les corticoïdes qui bien que prohibés par l’UCI depuis 1978, n’ont été décelables qu’à partir de 1999 (1er cas positif d’Armstrong sur le Tour blanchi par l’UCI).

Hormone de croissance (hGH) – Substance à la fois anabolisante (épaississement musculaire) et lipolytique (fonte des graisses), elle pénètre les paddocks athlétiques aux JO de 1980. Alors qu’elle est interdite par le CIO en 1989, à ce jour les laboratoires agréés ont toujours beaucoup de mal à la détecter en raison de son passage sanguin ultrarapide. A notre connaissance, le premier et seul coureur positif à l’hGH lors d’un contrôle est l’Allemand Patrik Sinkewitz épinglé le 27 février 2011.

Comme on peut le constater, les différentes drogues de la performance utilisées par Armstrong et certains de ses lieutenants n’étaient pas plus sophistiquées que celles de ses prédécesseurs en jaune mais aussi de ses adversaires directs tels que Jan Ullrich, Marco Pantani, Alex Zülle, Ivan Basso. Signalons à l’attention de Travis Tygart, le patron de l’USADA, un avocat qui cause sur les substances dopantes sans avoir une quelconque légitimité pour donner un avis médical supérieur à celui des piliers du « Bar des sportifs », que les produits utilisés dans un but d’orgie motrice n’aient pas beaucoup changé en trois décennies, a surtout permis aux médecins dopeurs de se perfectionner afin d’accroître les solutions pour déjouer les contrôles.

Article publié dans Cyclosport Magazine, n° 98, juillet 2014

 

2 réflexions au sujet de « « Le système de dopage le plus sophistiqué, le plus professionnel et le plus efficace que le sport ait jamais vu… » »

  1. Kluszczynski Marc

    Bonjour, si Patrik (sans c) Sinkewitz est bien le premier cycliste à avoir été contrôlé positif à la GH au Grand Prix de Lugano en 2011, il n’est plus le seul comme vous l’écrivez: le 8 avril 2015, Petr Ignatenko (Rusvelo) le sera également lors d’un contrôle inopiné.

  2. Guillaume

    Pour l’EPO, vous devez sans doute faire référence au ski de fond des JO 88 et notamment à Marjo Matikainen.

    En effet, pour Gewiss,c’était à vomir: Argentin,Furlan et Berzin qui s’envolent dans le mur de Huy sans forcer: la grande oeuvre de Ferrari.
    Je pense même qu’entre 94 et 98 les doses d’EPO utilisées devaient être plus importantes qu’à l’époque d’Armstrong (post-Festina où l’EPO était plus recherchée).
    L’insolente facilité de Riis à Hautacam en 1996(grand plateau) m’écœure tout autant que les victoires d’Armstrong.

    Par ailleurs, je suis d’accord avec vous: il est certain que les concurrents du texan avaient les mêmes produits.
    Cependant, comme vous l’aviez justement signalé dans une interview, il était le seul à bénéficier de nombreux privilèges/passe-droits: hélicoptère privé pour le ramener à son hôtel(récupération bien supérieure aux autres),équipe de CRS à sa botte etc…et tout ceci couvert par l’organisation qui fermait les yeux…Et on ose dire après que l’on ne savait pas !!!!

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