Cancer du testicule versus dopage : y-a-t-il un lien ?

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Récemment, en plein Tour de France, le capitaine de route de l’équipe Tinkoff-Saxo, l’Italien Ivan Basso, abandonne pour se faire opérer d’un cancer au testicule gauche. Immédiatement en émoi la caravane se pose deux questions : la carrière cycliste du transalpin est-elle terminée, voire est-il exposé à un risque vital et le dopage peut-il être incriminé dans la survenue de cette pathologie ? 

Plusieurs sportifs de haut niveau ont été victimes d’un cancer du testicule. Depuis 1984, cinq cas connus chez des coureurs du Tour ont été répertoriés, victimes de ce type de cancer (tous sont en vie). Par ailleurs deux cas ont été diagnostiqués chez des coureurs professionnels n’ayant pas participé au TDF (ils sont toujours en vie). Certains des sept cyclistes touchés par cette pathologie ont continué leur carrière au même niveau de performance, voire mieux.

Cinq cas pour 1 500 coureurs, cela paraît suspect… 

Depuis une quarantaine d’années, observateur attentif du cyclisme de compétition international, je n’ai jamais lu dans aucune revue scientifique ou grand public qu’un seul géant de la route en activité était décédé de ce type de cancer. Dans le peloton des 5 075 coureurs du Tour de France ayant pris le départ depuis 1903 d’au moins une Grande Boucle, je n’ai jamais recensé un cancer du testicule ayant abouti à un décès. Dans les autres spécialités sportives – mis à part le culturisme – les bulletins de santé des compétiteurs en activité n’ont pas fait mention de décès par cancer du testicule. En revanche, des morts de sportifs jeunes par d’autres cancers ne sont pas exceptionnelles.

Aujourd’hui, dans la tranche d’âge de 25 à 35 ans, chez un jeune sportif, le pourcentage de succès thérapeutique approche les 100 %. Dans la population en général, ce cancer touche trois à quatre individus pour 100 000. Chez les cyclistes du Tour de France, entre 1984 et 2015, j’ai comptabilisé un ratio de cinq pour environ mille cinq cent coureurs ayant pris le départ de l’épreuve. A première vue cela paraît franchement hors norme puisque rapporté à la population générale (4 pour 100 000) on atteint en théorie le chiffre astronomique de 330 cas pour 100 000 cyclistes. Mais les cinq cas Tour de France sont un échantillon de tumeurs testiculaires beaucoup trop faible – il en faudrait au moins trente, selon une épidémiologiste de cette pathologie – pour pouvoir procéder à une extrapolation pertinente.

On peut en revanche assurer que non seulement aucun mort n’est à déplorer parmi les sportifs atteints d’un cancer des testicules, mais certains ont même été opérés deux fois. Autrement dit, ces malades ont survécu malgré des métastases, le stade le plus avancé d’un cancer. A l’image du rugbyman gallois Chris Horsman, opéré à deux reprises. Une première fois d’un testicule en 1997 à l’âge de vingt ans. Et un an plus tard de métastases à l’estomac. Pilier international, il sera sélectionné à quatorze reprises entre 2005 et 2007.

Depuis quarante ans, la guérison n’est plus un miracle

On peut se poser la question afin de savoir si le cancer des testicules était plus difficile à soigner à des époques lointaines ?

En théorie, oui. Dans les faits, pas vraiment, puisque nous n’avons comptabilisé aucun décès. Le légendaire Bobby Moore a porté le brassard de capitaine de l’équipe d’Angleterre de football, championne du monde en 1966, deux ans seulement après s’être sorti des griffes d’un cancer des testicules. A une époque où la qualité des soins n’avait rien à voir avec celle mise à la disposition de Lance Armstrong, trois décennies plus tard en 1996 et a fortiori pour Ivan Basso autorisé à reprendre la compétition deux mois et demi après son opération au testicule effectuée en juillet 2015 [NDLA : âgé de 38 ans, et après 17 saisons au plus haut niveau, l’Italien décide de prendre sa retraite cycliste]. Depuis le milieu des années 1970, le traitement bien conduit du cancer du testicule est particulièrement efficace pour guérir de cette pathologie.

Des succès médicaux restés pourtant ignorés des journalistes sportifs parlant, pour Lance Armstrong de « miracle », de « résurrection » et de « survivant », mais également du grand public.

Le cancer d’Ivan Basso est curable dans une proportion proche de 100% des cas et ne peut être comparé à la majorité des autres tumeurs malignes au pronostic vital beaucoup plus aléatoire.

Faire l’amalgame entre les cancers n’est pas un discours médical pertinent. A ce sujet, signalons que les morts de sportifs jeunes par d’autres types de cancers que celui du testicule ne sont pas exceptionnelles.

Le cancer du testicule est un cancer du sujet jeune (moyenne des sept cyclistes professionnels atteints : 28 ans)

Le poids des chiffres

Le testicule a deux fonctions distinctes, la sécrétion de testostérone (hormone mâle) d’une part et la production de spermatozoïdes d’autre part.

1 – 2         Selon la ligue contre le cancer, il ne représente que 1 à 2% des cancers masculins, soit  environ 1 500 nouveaux cas chaque année.

15 – 40     Il touche principalement les hommes blancs âgés de 15 à 40 ans, chez qui il est le cancer le plus fréquent.

100           Le cancer du testicule est le plus souvent curable avec des taux de guérison atteignant  quasiment 100% dans la plupart des cas.

La responsabilité du dopage, comme son absence d’implication, ne sont pas prouvées. A ce jour, le nombre de cas de ce cancer chez le cycliste n’est pas assez conséquent pour en faire une étude épidémiologique sérieuse et concluante.

Contrôle antidopage : un outil de prévention 

Par ailleurs, grâce au contrôle antidopage, les cancers du testicule devraient être diagnostiqués avant les premiers symptômes cliniques. En effet, le marqueur biologique de ce cancer – l’hormone gonadotrophine chorionique (bêta hCG) est très élevé en cas de tumeur testiculaire alors que le taux est quasi nul à l’état normal. En revanche, cette hormone hCG qui fait partie des produits dopants (elle stimule la sécrétion de la testostérone par le testicule) en cas de triche, se retrouve dans les urines. Si un contrôle est positif à l’hCG, le laboratoire doit pousser ses investigations afin de déterminer si ce n’est pas un cancer du testicule.

En 2008, deux scientifiques toulousains Patrick Thonneau et Marie Walschaerts se sont interrogés sur le rôle des perturbateurs endocriniens dans la survenue d’un cancer du testicule. Leur expertise a montré que seuls les antécédents de cryptorchidie chez l’homme (absence de descente d’un testicule dans une bourse), de cryptorchidie dans sa famille, d’hypospadias (malformation de l’urètre), d’hypofécondité, de cancer du testicule et de cancer du sein (chez des parents) sont des facteurs de risque statistiquement significatifs de cancer du testicule. L’étude confirme ainsi les données de la littérature et infirme les hypothèses fondées sur une intoxication environnementale, en particulier professionnelle, de l’homme adulte.

Ces différentes données me paraissent crédibles. En revanche, j’attends toujours de lire une étude scientifique validée par d’autres experts et analysant la relation entre sportifs de haut niveau, consommation d’hormones mâles (testostérone), autres stéroïdes anabolisants et cancer du testicule. Tant que ce genre de travail ne sera pas fait sur une population conséquente et homogène d’athlètes (même spécialité), la réponse sur la relation entre cancer du testicule et dopage sera du même niveau scientifique que de débattre du sexe des anges.

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