Dans l’esprit du public et de nombreux plumitifs, le Tour de France étant une épreuve au-dessus des forces et des aptitudes normales d’un homme, elle ne peut être accomplie que par des surhommes sublimés par des aides ergogéniques. En réalité, de nombreux experts de l’effort cycliste et de la Grande Boucle, estiment que ce sont tout simplement des hommes courageux, entraînés et motivés. Sans dopage, les aptitudes d’un cycliste de haut niveau au sommet de sa forme sont compatibles avec les exigences d’un Tour de France de trois semaines.
Des génies de l’effort
Les supermen de l’endurance musculaire seraient des hommes supérieurement doués, des sortes de génies de l’effort capables de dépasser les limites des facultés physiques humaines.
Si on fait parler les chiffres, on constate qu’avant 1948, les « Tour de France » étaient moins de cinquante pour cent à terminer à Paris alors que, depuis 1999, le pourcentage des coureurs qui touchent au but oscillent entre 70 et 86%.
Peut-on dire que l’époque actuelle engendre de plus en plus de surhommes ? Non, bien sûr. Rappelons les exploits de ces deux coureurs, l’un Français – René Menziès – et l’autre Australien – Ossie Nicholson – qui, en 1937, atteignirent les cent mille kilomètres à vélo en douze mois. Et que dire des nombreux cyclotouristes qui, chaque année, font le Tour de France à bicyclette et ce en moins d’un mois.
En vérité, les cyclistes qui terminent le Tour de France sont des hommes aux qualités physiques au-dessus de la moyenne, supérieurement entraînés (trente mille à quarante mille kilomètres par an) et au mental particulièrement tendu vers l’objectif final.
Sublimés par les millions de spectateurs
La majorité des spécialistes de la Petit Reine ne considèrent pas les champions de la Grande Boucle comme des surhommes mais plutôt comme des sportifs sublimés et poussés à atteindre leurs limites par la renommée de la plus grande épreuve individuelle du monde, par la présence de millions de spectateurs sur le bord des routes et, par ricochet, le spectacle offert attire des médias de plus en plus nombreux.
Au sujet de l’impact des spectateurs sur la performance des géants de la route, Richard Virenque, sept fois lauréat du Grand Prix de la montagne, a bien analysé le phénomène : « J’adore cette foule déchaînée. Grimper un col dans le Tour, c’est formidable. On croise des regards admiratifs, ça rend euphorique. Quand on passe entre les gens, on entend une espèce de bourdonnement. Comme dans un rêve. On fonce, on est comme sur un nuage. Dans ces moments-là, la souffrance n’existe plus. » Tout comme « Richard Cœur de lion », le chouchou des années 2000, Bernard Hinault le quintuple vainqueur du Tour entre 1978 et 1985 partage l’avis de son cadet : « Lorsque je voyais la foule autour de moi scandant, hurlant mon nom ou mon prénom. Je sentais dans le même temps mes forces décupler et la chair de poule m’envahir. J’avais en cet instant une extraordinaire impression de supériorité. La fatigue et la lassitude disparaissaient de même que ce feu qui embrase la poitrine, rend le souffle court, alourdit les jambes. Souvent, cela me poussait à rendre la vie encore plus dure à mes rivaux.»
Des pratiques incomparables
La majorité de ceux qui en font des surhommes comparent leurs propres performances « de cyclistes du dimanche » à celles des « As de la Pédale » qui s’entraînent quasiment quotidiennement sur plusieurs heures. C’est, par exemple, le cas de la chanteuse Véronique Sanson : « Les étapes de montagne du Tour de France sont des épreuves terriblement difficiles. A chaque fois, je me demande ‘’Mais comment vont-ils arriver ?’’. Je serais incapable d’enfourcher un vélo de course. J’ai déjà du mal à changer les vitesses alors je ne vous dis pas quand je dois monter une côte, c’est horrible. »
Henri Desgrange, le créateur du Tour, dès la 3e édition en 1905 avait répondu à la question posée dans le titre de ce billet : « Le courage de l’homme n’a pas de limite et qu’un athlète bien entraîné peut prétendre à d’invraisemblables résultats. »