Le chiffre : 43

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En trois ans (2013-2015), quarante-trois athlètes kenyans ont été suspendus pour dopage. [L’Equipe, 29.11.2015]

Comme quoi, l’hypoxie des hauts plateaux n’est pas suffisante pour dominer le reste du monde dans les courses de fond ! [Dr JPDM]

Portrait-robot d’un spécialiste du dopage

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CONSULTANT MÉDIA

Régulièrement, on lit dans la presse qu’un tel est « spécialiste du dopage ».

Or le qualificatif de spécialiste lui a été attribué par les médias, autrement dit par des journalistes qui n’ont qu’une connaissance anecdotique du fléau et sont donc peu crédibles pour sélectionner un sachant ou un spécialiste.

Par ailleurs, lors de chaque affaire de triche biologique touchant un gros poisson, on voit débarquer sur les plateaux de télévision des « spécialistes du dopage », souvent des journalistes, interrogés par un confrère animateur de l’émission sur, entre autres, les effets de telle ou telle substances. Et ils osent répondre alors qu’ils n’ont aucune légitimité pour le faire.

Après quarante ans d’expérience, j’estime qu’un expert des drogues de la performance doit répondre aux critères donnés ci-dessous.

Ainsi un pharmacologue, un toxicologue – même agréé par l’AMA -, un responsable d’une agence antidopage qui bien souvent la veille de sa nomination ignore si dopage prend un p ou deux p !!, un entraîneur, un coach, un élu, un dirigeant, un journaliste, sera forcément carencé sur plusieurs aspects du dopage.

Un véritable spécialiste du dopage doit donc être :

  • Médecin du sport
  • Pratiquer des contrôles antidopage dans le milieu amateur et professionnel
  • Soigner des sportifs de tous niveaux (amateurs et pros)
  • Suivre comme médecin soignant des compétitions sportives nationales, voire internationales
  • Publier sur le thème du dopage dans les revues scientifiques et médicales
  • Intervenir dans les diplômes universitaires sur la dope et sa prévention
  • Faire des conférences pour les médecins et le grand public
  • Dans les affaires de dopage, être sollicité comme expert auprès des tribunaux

En résumé, un spécialiste du dopage intervenant dans les médias doit connaître :

  • La pharmacologie
  • La physiologie de l’effort
  • Les soins spécifiques des sportifs
  • La réglementation antidopage
  • Les aspects pratiques d’un contrôle, les techniques d’analyses des labos agréés
  • L’historique du phénomène dopage en sport
  • Et être indépendant des institutions s’occupant de dopage.

Ainsi, un journaliste ne peut être qualifié de « grand spécialiste du dopage » parce qu’il a enquêté sur le sujet et publié un ouvrage sur ses propres recherches. En revanche, il peut être qualifié correctement de journaliste d’investigation.

 

Les Russes “plein gaz” grâce au xénon

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Selon un reportage de la chaîne de télévision allemande WDR diffusé lundi 24 février, l’équipe olympique de Russie a utilisé « massivement » un gaz asphyxiant – le xénon – afin de stimuler la production endogène d’ÉPO, une hormone multipliant le nombre de globules rouges et par là-même augmentent le rendement des athlètes.

Comment ça marche ?

Le xénon est un gaz asphyxiant qui, dans un but de performance, s’utilise en inhalation (masque ou spray) comme pour les chambres d’altitude. Dans les deux cas, en créant une diminution de l’apport d’oxygène, le corps réagit en produisant plus d’ÉPO endogène (fabriquée par le sujet lui-même) qui, elle-même, va stimuler la moelle osseuse pour une fabrication supplémentaire de globules rouges.

Dans le sport, quelle que soit la spécialité mais surtout dans les épreuves d’endurance, un surplus de globules rouges peut s’avérer déterminant pour monter sur le podium. A ce sujet, rappelons le bilan des Jeux de Sotchi où les Russes arrivent nettement en tête avec 33 médailles dont 13 d’or et sept longueurs d’avance sur la Norvège qui pointe en seconde position ayant engrangé un total de 26 breloques. Selon The Economist, un hebdomadaire britannique relayé par la revue VO2 Mag, la technique d’introduction du xénon dans l’organisme se fait avec un masque permettant au sportif d’inhaler un mélange composé à parts égales d’oxygène et de xénon pendant quelques minutes avant de se coucher. La posologie recommandée par les spécialistes russes comprend trois inhalations par semaine. Les conclusions de leur apport sur le gaz xénon signalent à la fois son efficacité, son innocuité et son absence nominale dan la liste rouge des substances et méthodes prohibées : « Augmentation du niveau de performance et réduction du stress sur 97% des sujets traités. Aucun effet secondaire, ni aucune intolérance constatée. Ne peut pas être considéré comme dopant puisqu’en plus il ne figure pas sur la liste de l’Agence mondiale antidopage (AMA). »

La méthode est-elle prohibée ?

Même si le xénon n’est pas listé en toutes lettres dans la nomenclature du Code mondial antidopage, par assimilation on doit considérer l’inhalation de ce gaz comme une « méthode manipulant le sang » (M1 du Code). Le xénon peut également trouver sa place dans la liste rouge au paragraphe SO substances non approuvées : « Toute substance pharmacologique non incluse dans une section de la liste de l’Agence mondiale et qui n’est pas actuellement approuvée pour une utilisation thérapeutique chez l’homme par une autorité gouvernementale réglementaire de la Santé (par ex. médicaments en développement préclinique ou clinique ou qui ne sont plus disponibles, médicaments à façon, substances approuvées seulement pour usage vétérinaire) est interdite en permanence. »

Cependant, ce gaz rare, en agissant selon un mécanisme similaire à celui des chambres d’altitude (hypoxique), exposant le sujet à un apport réduit en oxygène provoquant par réaction la stimulation de la sécrétion d’ÉPO endogène, s’avère difficile à interdire alors que l’on autorise les chambres hypoxiques.

Dès les années 1960

Rappelons que ce sont déjà les Russes qui, à l’époque de la course aux armements biologiques entre les Etats-Unis et le bloc de l’Est (URSS et satellites), pour asseoir ou conquérir la première place athlétique, avaient imaginé les enceintes hypoxiques. Dès le début des années 1960, dans le but de limiter « l’hypoxie motrice » inhérente à toute activité intense et prolongée, les Soviétiques avaient mis au point – dans une visée d’adaptation à l’effort physique accru – d’autres formes d’insuffisance respiratoire, en particulier l’hypoxie respiratoire artificielle sur la base de l’expérience acquise par la physiologie de l’aviation confrontée à l’adaptation à l’insuffisance d’oxygène d’altitude des pilotes.

Ces considérations théoriques avaient déjà été confirmées par l’expérience acquise dans l’entraînement des coureurs de demi-fond et de fond, en altitude moyenne, où l’acclimatation à un air appauvri en oxygène allait de pair avec le développement de l’endurance spécifique des athlètes spécialistes de l’effort plus ou moins prolongé. Dans l’optique des Jeux olympiques de 1968 devant se dérouler à Mexico (2 240 m), plusieurs pays organisèrent des stages d’entraînement en altitude. La France, dès 1965, s’installa à Font Romeu dans les Pyrénées Orientales (1850-2200 m). À cette époque, la seule préoccupation des spécialistes est de favoriser l’adaptation des athlètes à la diminution de la pression partielle en oxygène que l’on rencontre à Mexico.

En revanche, les Russes voient plus loin et, compte tenu des données en leur possession, espèrent que l’insuffisance d’oxygène peut être un complément à l’entraînement sportif, accélérant et approfondissant le développement de l’adaptation à « l’hypoxie motrice » chez les coureurs d’endurance. Dans ce but, de mai 1963 à juin 1964 au centre de recherches de médecine sportive de l’Institut Central de recherches sportives, sous la direction des professeurs S. Letounov et D. Rosenblum, en collaboration avec les spécialistes chevronnés des questions d’hypoxie, ils sont passés aux « ascensions » systématiques et de courte durée à une altitude de 4 000 m en chambre barométrique. Pendant cette période, les performances des athlètes se sont constamment améliorées. Les meilleurs résultats obtenus en compétition l’ont été immédiatement après le cycle d’entraînement en chambre barométrique.

Ces premières études ont été suivies par beaucoup d’autres, aboutissant aujourd’hui à une utilisation massive des chambres hypoxiques dans le sport de haut niveau, notamment chez les athlètes d’endurance, sécrétion accrue d’ÉPO oblige.

Le bonus du xénon

 Ce gaz rare qui, en France, depuis 2008, est utilisé en anesthésie générale mais aussi au service de l’imagerie médicale, présente un avantage non négligeable par rapport à la chambre d’altitude, c’est que son utilisation est beaucoup moins contraignante que cette dernière. Quelques minutes au coucher trois fois par semaine contre huit heures de sommeil en chambre hypoxique pendant une quinzaine de jours. Un bémol : si les proportions du mélange entre oxygène et xénon ne sont pas respectées, des effets secondaires plus ou moins fâcheux sont possibles.

Par ailleurs, vu qu’à ce jour aucune étude scientifique digne de ce nom portant sur des humains n’a été validée par d’autres travaux que ceux des Russes, on peut s’interroger sur la réelle efficacité du fameux gaz. A ce sujet, mentionnons le fabuleux succès commercial au sein de la gent sportive de la créatine en poudre qui dure depuis 1995 alors que les effets positifs sur la performance sont toujours en discussion…

Qu’en pense l’Agence mondiale antidopage (AMA) ? Pas grand-chose !

Alors que l’on sait par la même source – la télévision allemande – que le xénon est utilisé par les Russes depuis 2004 et les Jeux d’Athènes – soit douze ans d’avantages supposés pour leurs sportifs – l’AMA n’a pas pris le temps de diligenter une quelconque enquête sur ce gaz

Alerté lors des Jeux de Sotchi, le président de l’AMA, récemment élu, le Britannique Craig Reedie, n’a pas trouvé mieux que de répondre : « La commission qui s’occupe de ce genre de question va se pencher sur le sujet dès sa prochaine réunion ». On n’est pas loin d’une réponse du style « Je vais en parler à mon cheval »

Devant tant d’impéritie, on a envie d’applaudir : « Bravo les Russes pour ce superbe pied de nez à la lutte antidopage et au CIO ».

[article de JPDM publié dans “LE PLUS” du Nouvel Observateur le 27 février 2014, soit quelques jours après le terme des Jeux de Sotchi]

Cancer du testicule versus dopage : y-a-t-il un lien ?

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Récemment, en plein Tour de France, le capitaine de route de l’équipe Tinkoff-Saxo, l’Italien Ivan Basso, abandonne pour se faire opérer d’un cancer au testicule gauche. Immédiatement en émoi la caravane se pose deux questions : la carrière cycliste du transalpin est-elle terminée, voire est-il exposé à un risque vital et le dopage peut-il être incriminé dans la survenue de cette pathologie ? 

Plusieurs sportifs de haut niveau ont été victimes d’un cancer du testicule. Depuis 1984, cinq cas connus chez des coureurs du Tour ont été répertoriés, victimes de ce type de cancer (tous sont en vie). Par ailleurs deux cas ont été diagnostiqués chez des coureurs professionnels n’ayant pas participé au TDF (ils sont toujours en vie). Certains des sept cyclistes touchés par cette pathologie ont continué leur carrière au même niveau de performance, voire mieux.

Cinq cas pour 1 500 coureurs, cela paraît suspect… 

Depuis une quarantaine d’années, observateur attentif du cyclisme de compétition international, je n’ai jamais lu dans aucune revue scientifique ou grand public qu’un seul géant de la route en activité était décédé de ce type de cancer. Dans le peloton des 5 075 coureurs du Tour de France ayant pris le départ depuis 1903 d’au moins une Grande Boucle, je n’ai jamais recensé un cancer du testicule ayant abouti à un décès. Dans les autres spécialités sportives – mis à part le culturisme – les bulletins de santé des compétiteurs en activité n’ont pas fait mention de décès par cancer du testicule. En revanche, des morts de sportifs jeunes par d’autres cancers ne sont pas exceptionnelles.

Aujourd’hui, dans la tranche d’âge de 25 à 35 ans, chez un jeune sportif, le pourcentage de succès thérapeutique approche les 100 %. Dans la population en général, ce cancer touche trois à quatre individus pour 100 000. Chez les cyclistes du Tour de France, entre 1984 et 2015, j’ai comptabilisé un ratio de cinq pour environ mille cinq cent coureurs ayant pris le départ de l’épreuve. A première vue cela paraît franchement hors norme puisque rapporté à la population générale (4 pour 100 000) on atteint en théorie le chiffre astronomique de 330 cas pour 100 000 cyclistes. Mais les cinq cas Tour de France sont un échantillon de tumeurs testiculaires beaucoup trop faible – il en faudrait au moins trente, selon une épidémiologiste de cette pathologie – pour pouvoir procéder à une extrapolation pertinente.

On peut en revanche assurer que non seulement aucun mort n’est à déplorer parmi les sportifs atteints d’un cancer des testicules, mais certains ont même été opérés deux fois. Autrement dit, ces malades ont survécu malgré des métastases, le stade le plus avancé d’un cancer. A l’image du rugbyman gallois Chris Horsman, opéré à deux reprises. Une première fois d’un testicule en 1997 à l’âge de vingt ans. Et un an plus tard de métastases à l’estomac. Pilier international, il sera sélectionné à quatorze reprises entre 2005 et 2007.

Depuis quarante ans, la guérison n’est plus un miracle

On peut se poser la question afin de savoir si le cancer des testicules était plus difficile à soigner à des époques lointaines ?

En théorie, oui. Dans les faits, pas vraiment, puisque nous n’avons comptabilisé aucun décès. Le légendaire Bobby Moore a porté le brassard de capitaine de l’équipe d’Angleterre de football, championne du monde en 1966, deux ans seulement après s’être sorti des griffes d’un cancer des testicules. A une époque où la qualité des soins n’avait rien à voir avec celle mise à la disposition de Lance Armstrong, trois décennies plus tard en 1996 et a fortiori pour Ivan Basso autorisé à reprendre la compétition deux mois et demi après son opération au testicule effectuée en juillet 2015 [NDLA : âgé de 38 ans, et après 17 saisons au plus haut niveau, l’Italien décide de prendre sa retraite cycliste]. Depuis le milieu des années 1970, le traitement bien conduit du cancer du testicule est particulièrement efficace pour guérir de cette pathologie.

Des succès médicaux restés pourtant ignorés des journalistes sportifs parlant, pour Lance Armstrong de « miracle », de « résurrection » et de « survivant », mais également du grand public.

Le cancer d’Ivan Basso est curable dans une proportion proche de 100% des cas et ne peut être comparé à la majorité des autres tumeurs malignes au pronostic vital beaucoup plus aléatoire.

Faire l’amalgame entre les cancers n’est pas un discours médical pertinent. A ce sujet, signalons que les morts de sportifs jeunes par d’autres types de cancers que celui du testicule ne sont pas exceptionnelles.

Le cancer du testicule est un cancer du sujet jeune (moyenne des sept cyclistes professionnels atteints : 28 ans)

Le poids des chiffres

Le testicule a deux fonctions distinctes, la sécrétion de testostérone (hormone mâle) d’une part et la production de spermatozoïdes d’autre part.

1 – 2         Selon la ligue contre le cancer, il ne représente que 1 à 2% des cancers masculins, soit  environ 1 500 nouveaux cas chaque année.

15 – 40     Il touche principalement les hommes blancs âgés de 15 à 40 ans, chez qui il est le cancer le plus fréquent.

100           Le cancer du testicule est le plus souvent curable avec des taux de guérison atteignant  quasiment 100% dans la plupart des cas.

La responsabilité du dopage, comme son absence d’implication, ne sont pas prouvées. A ce jour, le nombre de cas de ce cancer chez le cycliste n’est pas assez conséquent pour en faire une étude épidémiologique sérieuse et concluante.

Contrôle antidopage : un outil de prévention 

Par ailleurs, grâce au contrôle antidopage, les cancers du testicule devraient être diagnostiqués avant les premiers symptômes cliniques. En effet, le marqueur biologique de ce cancer – l’hormone gonadotrophine chorionique (bêta hCG) est très élevé en cas de tumeur testiculaire alors que le taux est quasi nul à l’état normal. En revanche, cette hormone hCG qui fait partie des produits dopants (elle stimule la sécrétion de la testostérone par le testicule) en cas de triche, se retrouve dans les urines. Si un contrôle est positif à l’hCG, le laboratoire doit pousser ses investigations afin de déterminer si ce n’est pas un cancer du testicule.

En 2008, deux scientifiques toulousains Patrick Thonneau et Marie Walschaerts se sont interrogés sur le rôle des perturbateurs endocriniens dans la survenue d’un cancer du testicule. Leur expertise a montré que seuls les antécédents de cryptorchidie chez l’homme (absence de descente d’un testicule dans une bourse), de cryptorchidie dans sa famille, d’hypospadias (malformation de l’urètre), d’hypofécondité, de cancer du testicule et de cancer du sein (chez des parents) sont des facteurs de risque statistiquement significatifs de cancer du testicule. L’étude confirme ainsi les données de la littérature et infirme les hypothèses fondées sur une intoxication environnementale, en particulier professionnelle, de l’homme adulte.

Ces différentes données me paraissent crédibles. En revanche, j’attends toujours de lire une étude scientifique validée par d’autres experts et analysant la relation entre sportifs de haut niveau, consommation d’hormones mâles (testostérone), autres stéroïdes anabolisants et cancer du testicule. Tant que ce genre de travail ne sera pas fait sur une population conséquente et homogène d’athlètes (même spécialité), la réponse sur la relation entre cancer du testicule et dopage sera du même niveau scientifique que de débattre du sexe des anges.

LE CYCLISTE DU TOUR EST-IL UN SURHOMME !

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Dans l’esprit du public et de nombreux plumitifs, le Tour de France étant une épreuve au-dessus des forces et des aptitudes normales d’un homme, elle ne peut être accomplie que par des surhommes sublimés par des aides ergogéniques. En réalité, de nombreux experts de l’effort cycliste et de la Grande Boucle, estiment que ce sont tout simplement des hommes courageux, entraînés et motivés. Sans dopage, les aptitudes d’un cycliste de haut niveau au sommet de sa forme sont compatibles avec les exigences d’un Tour de France de trois semaines.

 Des génies de l’effort

Les supermen de l’endurance musculaire seraient des hommes supérieurement doués, des sortes de génies de l’effort capables de dépasser les limites des facultés physiques humaines.

Si on fait parler les chiffres, on constate qu’avant 1948, les « Tour de France » étaient moins de cinquante pour cent à terminer à Paris alors que, depuis 1999, le pourcentage des coureurs qui touchent au but oscillent entre 70 et 86%.

Peut-on dire que l’époque actuelle engendre de plus en plus de surhommes ? Non, bien sûr. Rappelons les exploits de ces deux coureurs, l’un Français – René Menziès – et l’autre Australien – Ossie Nicholson – qui, en 1937, atteignirent les cent mille kilomètres à vélo en douze mois. Et que dire des nombreux cyclotouristes qui, chaque année, font le Tour de France à bicyclette et ce en moins d’un mois.

En vérité, les cyclistes qui terminent le Tour de France sont des hommes aux qualités physiques au-dessus de la moyenne, supérieurement entraînés (trente mille à quarante mille kilomètres par an) et au mental particulièrement tendu vers l’objectif final.

Sublimés par les millions de spectateurs

La majorité des spécialistes de la Petit Reine ne considèrent pas les champions de la Grande Boucle comme des surhommes mais plutôt comme des sportifs sublimés et poussés à atteindre leurs limites par la renommée de la plus grande épreuve individuelle du monde, par la présence de millions de spectateurs sur le bord des routes et, par ricochet, le spectacle offert attire des médias de plus en plus nombreux.

Au sujet de l’impact des spectateurs sur la performance des géants de la route, Richard Virenque, sept fois lauréat du Grand Prix de la montagne, a bien analysé le phénomène : « J’adore cette foule déchaînée. Grimper un col dans le Tour, c’est formidable. On croise des regards admiratifs, ça rend euphorique. Quand on passe entre les gens, on entend une espèce de bourdonnement. Comme dans un rêve. On fonce, on est comme sur un nuage. Dans ces moments-là, la souffrance n’existe plus. » Tout comme « Richard Cœur de lion », le chouchou des années 2000, Bernard Hinault le quintuple vainqueur du Tour entre 1978 et 1985 partage l’avis de son cadet : « Lorsque je voyais la foule autour de moi scandant, hurlant mon nom ou mon prénom. Je sentais dans le même temps mes forces décupler et la chair de poule m’envahir. J’avais en cet instant une extraordinaire impression de supériorité. La fatigue et la lassitude disparaissaient de même que ce feu qui embrase la poitrine, rend le souffle court, alourdit les jambes. Souvent, cela me poussait à rendre la vie encore plus dure à mes rivaux.»

Des pratiques incomparables

La majorité de ceux qui en font des surhommes comparent leurs propres performances « de cyclistes du dimanche » à celles des « As de la Pédale » qui s’entraînent quasiment quotidiennement sur plusieurs heures. C’est, par exemple, le cas de la chanteuse Véronique Sanson : « Les étapes de montagne du Tour de France sont des épreuves terriblement difficiles. A chaque fois, je me demande ‘’Mais comment vont-ils arriver ?’’. Je serais incapable d’enfourcher un vélo de course. J’ai déjà du mal à changer les vitesses alors je ne vous dis pas quand je dois monter une côte, c’est horrible. »

Henri Desgrange, le créateur du Tour, dès la 3e édition en 1905 avait répondu à la question posée dans le titre de ce billet : « Le courage de l’homme n’a pas de limite et qu’un athlète bien entraîné peut prétendre à d’invraisemblables résultats. »