Dopage et presse : pas toujours évident !

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René Kuhn

  • Né le 30 janvier 1946 à Strasbourg.
  • DEA de chimie en 1968. Chimiste à Bâle de 1970 à 1977
  • puis journaliste de sports par passion durant 32 ans aux Dernières Nouvelles d’Alsace à Strasbourg puis à Colmar.
  • Retraité depuis 2008. 
  • Responsable cyclisme et judo puis athlétisme en fin de carrière.
  • De par ma formation, très intéressé par les questions de dopage. Grâce au docteur de Mondenard, j’ai pu réaliser de nombreuses pages sur le sujet aux D NA.
  • Meilleur souvenir professionnel: le Mondial 2003 d’athlétisme au Stade de France dans une ambiance sportive extraordinaire mais avec, aussi, le problème du dopage à l’EPO de Fouad Chouki le demi-fondeur alsacien que j’ai traité encore longtemps après le Mondial.

KUHN

René Kuhn

Le traitement du dopage dans la presse écrite n’est pas toujours évident. Et cela même si, à première vue, l’aspect toujours un peu sensationnel des révélations pourrait convenir à des médias toujours avides de buzz.

Tenu au secret

Mais il ne faut pas oublier que les journalistes fréquentent souvent les sportifs et peuvent tisser des liens avec eux qui risqueraient de se déchirer en cas de révélation de cas positif. Ainsi lorsqu’un champion d’Europe vous révèle à la fin de la carrière sous le sceau du secret qu’il avait pris de l’EPO, difficile de divulguer la nouvelle dans la presse…

Ensuite, la compétence des journalistes n’est pas toujours suffisante pour parler du dopage qui nécessite des connaissances scientifiques pas toujours présentes dans leur formation. Les belles phrases et le besoin de sensationnel sont souvent plus importants que la recherche minutieuse des propriétés des médicaments.

Tout cela amène notamment très souvent à l’erreur ou plutôt l’omission la plus souvent commise: celle de ne jamais répliquer à un sportif qui dit avoir subi des centaines de contrôles négatifs : « Mais vous savez bien que cela ne prouve rien les produits ne se trouvant surtout pas lors des contrôles faits à l’issue des compétitions. »

Un volume suspect…

Là l’exemple le plus typique est évidemment celui de Lance Armstrong qui a sorti cet argument bidon des dizaines de fois sans se faire contredire alors que tout le monde savait qu’il se dopait. A ce propos, nous avions été le premier journaliste européen à interviewer Lance. C’était en aout 1989 à Emmendingen en Allemagne où il a gagné la première étape du Regio-Tour cycliste au sein de l’équipe junior des Etats-Unis qui préparait le Mondial. Je me souviens d’un jeune homme (il avait 18 ans), fin, racé, un vrai cycliste en devenir. Quatre ans plus tard quand il a gagné le Mondial pro à Oslo, je ne l’ai plus reconnu tellement il avait pris du volume sans doute à cause des anabolisants. Malheureusement je n’ai plus jamais eu l’occasion de l’interviewer …

Certes, dans quelques rédactions, il existe des journalistes compétents désirant traiter de tels sujets.  Mais ces derniers sont souvent refusés par leurs supérieurs hiérarchiques qui ne veulent par exemple pas d’une chronique régulière sur le dopage ou qui répondent « On n’est pas un journal scientifique » !

Dollé préservé

Récemment en Alsace, lors des affaires qui ont secoué la fédération internationale d’athlétisme où Lamine Diack, son président, et le docteur Gabriel Dollé, médecin responsable des contrôles,  ont été inculpés, les journaux alsaciens n’ont ainsi pas jugé nécessaire de faire un papier sur Dollé, un Strasbourgeois avec lequel nous avions traité au Mondial 2003 de Paris, « l’affaire Fouad Chouki », le coureur du 1500m strasbourgeois positif à l’EPO et suspendu deux ans par le Tribunal arbitral du sport.

Nous connaissons tous des exemples de journalistes, très au courant des affaires de dopage mais qui ont quitté leur employeur parce qu’on leur a fait comprendre qu’il fallait mettre la pédale douce sur cette dérive inhérente à la compétition.

Traiter le dopage dans la presse n’est donc pas toujours facile. Dommage car les journalistes sont quand même des témoins privilégiés des mœurs sportives.