Centenaire du Vidal (1914-2014) ou l’histoire du livre de chevet des cyclards et des autres sportifs

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Le Dictionnaire Vidal, la bible du dopage des Al Capone de la seringue aux Eliot Ness de l’antidopage

Le dictionnaire Vidal fête ses 100 ans.

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A sa naissance, en 1914, le Dictionnaire des spécialités pharmaceutiques pesait 120 grammes et comportait 340 « fiches thérapeutiques ». Un siècle plus tard, le Dictionnaire Vidal a grossi de quatre kilos et présente près de 3 000 monographies. Mais surtout, depuis 1986, le gros livre rouge participe à la prévention du dopage en informant médecins et patients sur le mésusage des médicaments par rapport à la compétition.

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Le gros livre rouge des médecins et … des accros de la performance

 Dès 1914, le corps médical français est informé sur les médicaments commercialisés et disponibles en pharmacie par un livre de couleur rouge qui dès sa première édition n’a cessé de s’agrandir et de s’épaissir et dont l’inventeur, Louis Vidal (1878-1945), qui n’était ni médecin, ni pharmacien, mais un visionnaire à l’origine d’une véritable croisade en faveur de l’abandon par le médecin de ses habitudes ancestrales de « formulation » des substances au profit de la prescription de spécialités détenues par le pharmacien et à lui fournies par des laboratoires. C’est dans ce contexte que le sieur Vidal investit dans les fiches pharmacologiques qu’il crée en faveur de produits dont elles véhiculeront composition, propriétés, indications, posologie et prix auprès de l’ensemble des médecins du territoire, leur libellé étant uniformisé.

Novatrices, ces fiches connaissent un véritable succès, mais elles n’en présentent pas moins l’inconvénient d’être peu pratiques dans leur classement. C’est donc sur la demande de nombreux médecins qu’elles vont être reliées en un rouge « Dictionnaire des spécialités pharmaceutiques » signé de Louis Vidal et de son associé Henri George, publié pour la première fois en 1914, au prix de 3 francs-or (10 euros d’aujourd’hui).

L’évolution du Vidal est rapide. En 1914, la première édition format poche (8 x 12 cm) compte 131 laboratoires annonceurs et 336 produits. En 1933, les chiffres explosent puisque 689 annonceurs y décrivent 7 304 produits.

Quant à la 90e édition parue au début de cette année 2014, elle comporte dans ses 3 500 pages aux dimensions multipliées par 7 (23 x 30 cm), près de 3 000 monographies proposant 5 800 médicaments provenant de 348 laboratoires. Les chiffres du tirage connaissent eux-mêmes une progression constante : 4 000 exemplaires en 1922, 18 000 en 1932 mais à partir de 1946, alors que depuis son origine le Vidal est adressé gratuitement aux médecins, est créée une édition payante afin de permettre aux pharmaciens, chirurgiens-dentistes, vétérinaires, caisses de sécurité sociale etc., de se le procurer. Ainsi, l’édition de 1953 est adressée gratuitement à 30 306 praticiens et 10 000 exemplaires sont vendus, ces chiffres passant rapidement en 1963 à 45 142 pour les premiers et 17 427 pour les seconds, en 1973 à 50 000 et 55 000, en 1983 à 73 000 et 77 000, en 1989 à 85 000 et 86 000 et en 2013 à 105 000 et 120 000. Depuis décembre 1989, il existe aussi une édition informatisée. Par ailleurs, le Vidal a inspiré la création de nombreux dictionnaires de spécialités pharmaceutiques, à l’étranger, dont la Rote-List en Allemagne (1935), le PDR – Physan’s desk reference – aux Etats-Unis (1947), le Data Sheet Compendium en Grande-Bretagne (1956), le Compendium en Suisse (1978), le Compendium en Belgique (1983), et le REFI en Italie (1991).

Même si tout cet historique ne concerne pas directement tous les licenciés de l’Hexagone, à partir de 1986 le Vidal va apporter sa contribution à l’information des cyclistes mais aussi de tous les sportifs, via leurs médecins, sur les substances prohibées lors des compétitions sportives. En effet, c’est pendant le ministère d’Alain Calmat, l’ancien patineur devenu chirurgien, que sera décidé d’inclure chaque année la liste des substances prohibées en pratique sportive. De 1986 à 2000, la liste figurant en début d’ouvrage ne comportait que les dénominations communs internationales (DCI) depuis 2001 a été ajouté la liste des spécialités pharmaceutiques interdites (noms commerciaux des médicaments). Autre innovation d’importance apparue dans l’édition du Vidal 1989, la mention pour sportifs incluse dans la fiche du médicament à la rubrique mise en garde : « L’attention des sportifs sera attirée sur le fait que cette spécialité contient un principe actif pouvant induire une réaction positive des test pratiqués lors des contrôles antidopage ».

 La malédiction du Vidal

En 1914, dans la première édition du Vidal, figure la fiche d’un médicament : le Kolayo®, une association de caféine et de cocaïne, destiné à régénérer et réguler le fonctionnement des organes sécréteurs. A la rubrique ‘’indications’’, en dehors de l’anémie, de la dépression ou des longues convalescences, le Kolayo® est proposé comme « Tonique et stimulant pour cyclistes ». Dès le début de son histoire, le vélo est associé au dopage… avec les touristes et les chasseurs.

KOLAYO

Cette information se trouve également dans la notice présente dans le conditionnement. Aujourd’hui, à moins d’être illettré, il n’est plus possible d’invoquer l’ignorance pour prendre un produit pharmaceutique, se retrouver positif (ve), clamer son innocence, rappeler son militantisme contre le dopage et taxer d’incapables les spécialistes qui font la liste. Rappelons que le Vidal est la lecture de chevet favorite de tous ceux qui veulent bouster leurs performances par la chimie.

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Article écrit fin août 2014 et publié dans Cyclosport Magazine n° 100, octobre 2014

Dictionnaire Vidal « Libres-échanges »

Depuis le milieu des années 1960, les sportifs en général et les cyclistes en particulier consultent le Dictionnaire Vidal à la recherche des médicaments pouvant booster leurs performances. Florilège de commentaires sur le gros livre rouge.

Philippe Boyer (FRA), pistard, champion de France du km 1983, 1985, 1986, 1987 et vice-champion du monde en 1985 : « Au téléphone, le bon docteur François Bellocq dressa la liste des commissions. Des corticoïdes, mais pas n’importe lesquels, du Synacthène®, du Célestène®, des produits délivrés seulement sur ordonnance et indétectables aux contrôles. Mon Vidal ne me quittait pas. J’y cherchais alors les symptômes associés à la prise de ces médicaments : des allergies provoquant rougeurs et gonflements. Nous n’avons fait ni une ni deux : je me frottai les yeux et déboulai dans la première officine de Salbris : « J’ai oublié mon Célestène® à Paris. Je ne peux plus respirer… » Emu par ma détresse, le pharmacien me délivra tout ce dont Bellocq nous avait parlé. Cette farce de potache avait fonctionné à merveille. Nous étions prêts pour Los Angeles. » [in « Champion, flic et voyou ». – Paris, éd. de La Martinière, 2003. – 235 p (pp 92-93)]

Bernard Chalchat (FRA), président directeur des laboratoires Ciba-Geigy, France, et membre de l’Académie nationale de pharmacie : « De nombreux coureurs et soigneurs avaient fait du dictionnaire Vidal leur livre de chevet, au point d’en connaître certaines monographies sur le bout des ongles. Pour eux, aujourd’hui, Internet a très avantageusement remplacé le Vidal. Sans compétences particulières, ils peuvent y trouver publications scientifiques, recettes, produits, modes d’emploi et approvisionnement à domicile, permettant à leurs propres risques, un dopage court-circuitant le corps médical et la distribution pharmaceutique. » [Le Quotidien du Médecin, 27.11.2000]

Stéphane Desaulty (FRA), athlétisme : 3000 m steeple et cross, sanctionné pour dopage en 2003 : « Pour l’EPO, j’avais acheté le Vidal qui est la vraie bible des sportifs. La page de l’Eprex, je la connaissais par cœur : la pharmacologie, la posologie… Ensuite, je suis allé acheter des tampons à Carrefour et j’ai fabriqué de fausses ordonnances avec lesquelles je me rendais dans les hôpitaux. » [L’Equipe Magazine, 23.08.2014]

Dr Yannick Guézennec (FRA), physiologiste de l’effort et chercheur au laboratoire de santé des armées (IMASSA) : « C’est la foire à la pharmacie. La plupart des sportifs qui se dopent utilisent la dernière édition du Vidal (le dictionnaire des médicaments) étudient rapidement les propriétés des nouveaux médicaments en fonction de l’effet recherché et se font leur petit cocktail. » [Le Monde, 13.10.1987]

Marc Iorio (FRA), athlète de niveau national, spécialiste du 400 m haies de 1984 à 1994 : « A force la dope ça devient une véritable culture. Tu te tiens au courant de ce qui marche et des derniers arrivages. On a tous un Vidal et on connaît parfaitement les listes de substances et leurs appellations. L’athlétisme n’est pas au niveau du vélo, mais il faut bien l’avouer, c’est pas mal. » [in Bordenave Y. et Simon S. .- Paroles de dopés .- Paris, éd. J.-C. Lattès, 2000 .- 210 p (p 134)]

Désiré Letort (FRA), cycliste professionnel de 1965 à 1973 :

  1. « J’ai tout compris en 1965 à la suite d’une chute dans Paris-Bruxelles. On s’est retrouvés à 50 par terre. Et qu’est ce que j’ai vu ? des « fléchettes » (des seringues) et de la « topette » (des dopants) répandus partout sur la route. Les gars essayaient de ramasser les seringues, les ampoules. Je ne m’imaginais pas que c’était à ce point-là. Mais je m’y suis mis, comme tout le monde. Comme j’avais envie de savoir ce que je prenais, j’ai étudié le Vidal. J’étais devenu un peu le spécialiste. » [L’Équipe Magazine, 1994, n° 647, 16 juillet, p 46 ; L’Express, 23.07.1998] 
  2. « Aujourd’hui avec une grande honnêteté, Désiré Letort reconnaît : ‘’Comme les autres, j’ai pris des amphétamines, une thérapie très mal employée à l’époque ; je connaissais le Vidal par cœur, j’étais devenu un passionné de médecine.’’ ».

[in « Gaston Plaud, un gentleman du cyclisme » par Serge Brard et Jean-Claude Fillaud. – Mérigny (36), Association des amis de Mérigny et de ses environs, 2009. – 239 p (p 133)]

Dr Jean-Pierre de Mondenard (FRA), médecin du sport : « Seuls quarante-cinq groupes de substances sont interdits, soit trois cents médicaments sur les onze mille contenus dans le Vidal, le dictionnaire qui donne la liste de tous les produits pharmaceutiques. Si un médecin ne peut rien trouver dans les 10 700 restant pour soigner une rhinite, qu’il se reconvertisse ! »       [Télé 7 Jours, 04.08.1984]

Dr Patrick Nédélec (FRA), médecin antidopage sur le Tour de 1982 à 1994, médecin des équipes Castorama (1995), Gan (1996) : « Pendant mes deux ans à la tête d’une équipe, la demande était incessante, par des coureurs qui connaissaient le Vidal mieux que moi ! Ils s’arrangent pour l’avoir, ils le feuillettent, ils m’appellent ensuite : « Tiens ce produit-là, tu crois vraiment… ». Psychologiquement, ils ont besoin de quelque chose à tout prix. »[Le Journal du Dimanche, 10.11.1996]

 Claude Sudres (FRA), manageur de l’équipe cycliste Gan-Mercier de 1972 à 1976 : « Les coureurs vivent avec le Vidal comme compagnon, ce répertoire des médicaments, et cherchent des produits qui pourraient les aider. Ils font des expériences. »[L’Équipe, 27.10.1976]

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Pourquoi tant de haine ?

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Bassons, le coureur propre victime de la pandémie dopante des années Armstrong

Christophe Bassons, l’homme qui a eu le courage de dénoncer le dopage pendant le soi-disant Tour du Renouveau 1999, n’en finit pas de susciter la vindicte du milieu. Après la Fédération française de cyclisme qui lui a collé un constat de carence intempestif lors d’une épreuve de VTT, c’est Laurent Brochard – champion du monde 1997 – qui, dans sa biographie parue en juin 2013, continue de dénigrer son coéquipier chez Festina et Jean Delatour. Or, tout le monde sait depuis le moraliste Nicolas de Chamfort que « En France, on laisse au repos ceux qui mettent le feu, on persécute ceux qui sonnent le tocsin ». Babasse, tel est son surnom donné par ses équipiers, a commencé à indisposer le milieu de la pédale quand il a tenu pendant le Tour de France 1999 une chronique dans Le Parisien où il expliquait que le dopage était omniprésent chez les professionnels. Lance Armstrong, le boss du peloton, est alors intervenu directement auprès du trublion pour que cesse ses allusions ‘’nauséabondes’’ sur l’addiction pharmaceutique de la plupart des géants de la route.

« Fous le camp »

BASSONS

 Flash-back sur cet épisode faisant partie dorénavant de l’Histoire de la Grande Boucle. Le Mazamétain décrit la scène dans son ouvrage « Positif » (éd. Stock, 2000) : « Qu’est-ce que tu fais ? m’a demandé le boss en anglais.

– I make the race, I attack (je fais la course, j’attaque) ai-je grasseyé, avec mon accent du sud-ouest […]

– Tu sais, ce que tu dis aux journalistes, ce n’est pas bon pour le cyclisme.

– Je dis simplement ce que je pense. Je dis qu’il y a du dopage.

– Si tu es là pour faire ça, il vaut mieux que tu rentres chez toi et que tu trouves un autre travail.

– Alors, fous le camp! » .

Soyons précis, L.A. n’a pas dit « fous le camp » à Bassons, mais «fuck you », «Va te faire enculer». Le coureur français l’a raconté dans un entretien accordé à Aujourd’hui/ Le Parisien, postérieur à la publication de son livre.

Bref, ce dialogue retranscrit un échange musclé entre Christophe Bassons, l’ex-Monsieur Propre du peloton, et Lance Armstrong, le 14 juillet lors de la 10e étape Sestrières-l’Alpe-d’Huez du Tour de France 1999. Babasse est le seul coureur de l’équipe Festina, avec Lau­rent Lefèvre à avoir résisté à la tentation du dopage orga­nisé. À l’instar d’un Gilles Delion quelques années plus tôt, le Mazamétain récuse la pseudo-fatalité de la performance à tout prix. La postérité retiendra de Bassons qu’il a osé enfreindre les règles d’un jeu pipé par le cynisme et l’hypo­crisie. En affichant sans ambiguïté ses positions antidopage, il affronte de pleine face un milieu cycliste voué à la loi du silence. Une sortie de route inadmissible pour Armstrong, fraîchement intronisé parrain de la Grande Boucle.

 « C’est mieux qu’il reste chez lui »

 Le 16 juillet 1999, Babasse craque et rend son dossard. Un abandon accueilli avec soulagement par son bourreau, plus donneur de leçons que jamais. « Ses accusations ne sont pas bonnes pour le cyclisme, pour son équipe, pour moi, ni personne, assène Armstrong. S’il pense que le cyclisme fonctionne comme cela, il se trompe et c’est mieux qu’il reste chez lui !» (1) Pendant que le mouton noir rentre à la maison, le monde du vélo, solidaire dans le lynchage, sonne l’hallali. Ambiance réunion au sommet de la mafia, au moment où le padrone (parrain) fait signe d’exécuter le traître de service. Bassons est agoni de toutes parts. Y compris dans sa propre équipe, La Française des Jeux. On n’est jamais mieux achevé que par les siens. Le directeur sportif, Marc Madiot, reprend avec brio le rôle de Tartuffe: « Jusqu’à présent, je n’ai fait que te conseiller sur ta façon de gérer tes relations avec les journalistes. Mais, désormais, je vais être ferme : je ne veux plus que tu parles de dopage avec eux, intime le double vainqueur de Paris-Roubaix. S’ils te posent des questions, dis-leur que tu es ici pour faire du vélo et que tu n’acceptes de parler que de cela.» (2)  Berger attentionné, Madiot recommande la prudence à sa brebis égarée. Tels des loups affamés, les journalistes « n’attendent que ça, les affaires, les coups tordus. Ils profitent de toi » (3), prévient-il. Son coéquipier Stéphane Heulot flaire la poule mouillée derrière l’honorable masque de la vertu. « C’est lâche! [ … ] On est vingt-deux à La Française qui avions tous envie de faire ce Tour. Il a pris la place de quelqu’un et se retire sans véritable raison. Juste à cause de ses « nerfs » comme il dit ! » (4), assassine-t-il. Lorsque, le 16 juillet au matin, le Tarnais se retire de ce «Tour du Renouveau» où visiblement il est loin d’être le bienvenu, avant de quitter son équipe, il fait le tour de la table tendant la main à chacun : « Certaines personnes m’ont tendu de molles phalanges sans lever les yeux : Damien Nazon a refusé mon salut.» (5)

 Double langage

Sans discussion, la palme du double langage revient à Jean-René Bernaudeau.

BERNAUDEAU

Avant de rallier opportunément le camp des croisés de la lutte antidopage, l’actuel directeur sportif de Direct Energie, lui-même ex­-coureur professionnel- ayant déjà eu maille à partir avec le dopage en 1986, lors de l’affaire dite «des Six Jours de Bercy», où il avait reconnu l’achat de deux boîtes d’amphétamines injectables – prônait la tolérance zéro envers les dénonciateurs de la triche ! Le Tarnais raconte le harcèlement dans une chronique quotidienne : « Oui, il n’y a pas que les coureurs qui m’en veulent … Aux Quatre Jours de Dunkerque 2001, le manager de l’équipe Bonjour, Jean-René Bernaudeau, est venu me parler un soir. Il m’a fait la leçon, brutalement. Il m’a dit que Antoine Vayer, mon entraîneur, était un « gros connard », que c’était un mec qui ne valait rien, qu’il n’avait pas sa place dans le milieu [ …]. Ce soir-là, Bernaudeau m’a fait des commentaires incroyables devant tout un tas de personnes. Didier Rous (équipe Bonjour) était là, il a dit: « Laissez-le (Christophe Bassons), c’est un connard. » Ce qui m’a fait le plus mal ce soir-là, c’est que, « après m’avoir dit ça, des gens de l’encadrement de ma propre équipe se sont mis à rigoler … »

ROUS

Mention spéciale retournement de veste à Pascal Chanteur. Le président en exercice du syndicat des coureurs, l’Union nationale des cyclistes professionnels, manque rarement une occasion de pourfendre le dopage. À l’été de1999, il était le premier à se réjouir que Babasse se casse. Seuls Gilles Delion et les repentis du dopage soutiennent sans réserve le paria Bassons. « Ce qui m’a le plus révolté, c’est la réaction du peloton, de ses propres équipiers, s’indignait Delion. Mais qu’est-ce qui les gêne à ce que Bassons se soit inscrit en Monsieur Propre ? [ … ] Dommage que personne n’ait suivi

Les bras levés comme s’ils avaient gagné une course

Lors des Quatre Jours de Dunkerque, une course, à étapes disputée au printemps, le futur vainqueur de l’édition 2001, l’ancien Festina Didier Rous, mène le bal des insultes. Pendant une demi-heure, le peloton s’acharne contre le rebelle de Mazamet. « Chanteur me disait: « T’as fait ta piqûre ce matin ? » J’étais mal, je me suis laissé glisser en queue de peloton, confiait-il dans Libération. Prétendant être malade, j’ai enlevé mon dossard, regardé le commissaire de course, c’est alors que j’ai vu les Chanteur et compagnie remonter vers l’avant du groupe en levant les bras comme s’ils avaient gagné une course. Au circuit des Mines, ce sont mes propres coéquipiers qui sont venus me chercher, alors que j’étais devant. Il y en a même un qui, après avoir longtemps sucé ma roue, m’a fait un grand sourire lorsqu’il a attaqué. Lors du Grand Prix de Rennes, j’avais pris par erreur un gel-douche dans les vestiaires. Il y en a un qui a défoncé la porte de la douche pour récupérer son bien. Ces comportements sont quotidiens. Imaginez la veille d’une course lorsqu’un coureur arrive, alors que nous sommes tous à table, qu’il salue tout le monde sauf moi. C’est violent, j’ai trop de pression sur les épaules, dans mon équipe, dans le peloton.» (6)

Pour moi, Bassons entre dans la catégorie des personnages rares qui, ont une conscience individuelle bien affirmée, et décrite avec justesse par Albert Einstein, Prix Nobel de physique 1921: « Peu d’hommes sont capables d’exprimer une opinion qui diffère des préjugés de leur milieu ambiant. »

La responsabilité des patrons du cyclisme

Pour tenir pendant deux ans, malgré les pressions et les intimidations, il fallait que Bassons soit mentalement très fort. Si Lance Armstrong a donné le coup d’envoi de l’opération «fous le camp », le milieu cycliste tout entier porte une lourde responsabilité dans cette affaire. Les patrons du cyclisme, notamment le président de l’Union cycliste internationale de l’époque, Hein Verbruggen, et Jean­-Marie Leblanc, directeur du Tour de France des années de dérive biologique maximale, ont laissé passer une occasion historique d’adresser un message de fermeté aux coureurs tentés de continuer leurs petits arrangements avec l’éthique. Comme si l’affaire Festina n’avait jamais existé. À quoi bon décréter le Tour du Renouveau si les fraudeurs se sentent protégés par un sentiment d’impunité ? Quand Bassons est descendu de vélo, lors du Tour de France 1999, une partie du peloton a applaudi ! Preuve qu’eux se sentaient soutenus par les plus hautes instances, à l’inverse de Babasse, lâchement abandonné à son triste sort. Voilà comment s’est terminé le Tour du Renouveau. Le 28 juillet, alors que le Tour s’achève, Jean-­Marie Leblanc se fend d’un courrier à Bassons. Usant d’un ton paternaliste, il dépeint un garçon un peu naïf, sous l’emprise de médias manipulateurs. « À mon avis, vous aviez été victime du rôle qu’on avait voulu vous faire jouer de porte-parole quotidien; l’accroche du Parisien était réductrice et paraissait vous en accorder l’exclusivité et je comprends qu’elle ait indisposé d’autres coureurs, sermonne le patron du Tour. En réalité, mes amis du Parisien, involontairement je pense, s’assurent une sorte de scoop, y compris le jour où vous avez quitté le Tour. Je suis un vieux briscard du journalisme et, dès la veille, j’avais deviné leur titre: « Bassons : pourquoi je quitte le Tour ».» Le catholique bon teint ajoute une note empreinte de miséricorde: « Hier dans L’Équipe, où il existe encore des journalistes scrupuleux, j’ai pu redire que vous parlez juste, que vous parlez vrai, mais simplement qu’on vous avait amené à trop parler, ce qui vous a desservi.» (7)

Portrait-robot de la duplicité

Cette réponse de Leblanc correspond au portrait-robot de la duplicité des autorités du cyclisme. Pas de polémique ; attention à ne pas salir l’image du Tour ; le problème n’est pas tant le dopage que celui qui le dénonce. Ce n’est pas nouveau … Il faut croire que Leblanc ne devait pas avoir la conscience tranquille. À juste titre. En tant que directeur de l’épreuve, il est le garant de la régularité de la course. Exercer des pressions psychologiques pour virer Bassons constitue une infraction à la lettre et à l’esprit des règlements sportifs. Armstrong aurait dû être sanctionné. À défaut, Leblanc aurait au moins pu mettre en demeure le pouvoir sportif, l’UCI, d’intervenir, afin de restaurer l’équité sportive. Ils n’en ont rien fait car les autorités sportives ont toujours été du côté du manche, du plus fort, du plus puissant. Armstrong peut compter sur la mansuétude de son ami Hein Verbruggen, qui lui a toujours laissé les mains libres. Qu’importe si les plus faibles sont écrasés par des moyens extra-sportifs. Tant que le spectacle continue. Christophe Bassons n’était pas totalement isolé, il a tout de même reçu le soutien de la ministre des Sports, Marie-George Buffet. « J’ai tenu à lui écrire pour lui témoigner ma sympathie, car je crois qu’il est grand temps que les sportifs rompent le silence !» (8), expliquait la dirigeante communiste. Babasse y a d’ailleurs été sensible. En réalité, l’action de Marie-George Buffet a été pour le moins timorée par rapport au pouvoir et à l’autorité qu’elle représentait. Ça ne mange pas de pain d’envoyer une lettre de consolation. Pourquoi n’est-elle pas intervenue pendant le Tour ? Pourquoi n’a-t-elle pas pris de sanctions contre les fauteurs de troubles et leurs complices au plus haut niveau ? Elle aurait mieux fait d’envoyer un blâme à l’Union cycliste internationale et aux organisateurs, qui ont laissé croupir Bassons.

Dénoncer les abus de pouvoir

Le soutien des médias à Bassons s’inscrit aussi dans ce que j’appelle le portrait-robot de la famille du dopage. Ou comment les différents acteurs, coureurs, autorités sportives, organisateurs, journalistes, se cantonnent dans un rôle qui favorise la pérennisation des pratiques dopantes. Les médias ont laissé s’exprimer Bassons, très bien, mais ils sont restés à l’écume du phénomène. Les journaux auraient dû mettre en demeure les pouvoirs publics à la manière d’Émile Zola avec son célèbre « J’accuse». La presse a le devoir de dénoncer les abus de pouvoir. Surtout quand ils s’exercent à l’encontre d’un sportif qui a eu le courage de dénoncer les tares du système au péril de sa carrière. Au crédit des médias, on peut leur concéder d’avoir interpellé Jean-Marie Leblanc, Hein Verbruggen et Marie-George Buffet sur le cas Bassons. A mon point de vue, ils devaient aller beaucoup plus loin par exemple : lancer un ultimatum au pouvoir sportif, afin qu’il préserve la régularité de la course. Je le répète, le pouvoir cycliste n’a pas levé le petit doigt pour aider Bassons alors qu’il a constamment le mot « éthique » à la bouche. C’est toujours la même histoire, quel que soit le sport. Quand Johnny Hallyday raconte que le footballeur Zinedine Zidane se fait transfuser deux fois par an dans une clinique du Tyrol italien, pas une oreille ne bouge. La Fédération française de football n’interroge pas Zidane. Et le ministère des Sports, chantre autoproclamé de l’antidopage, se garde bien de demander des comptes à notre Zizou national. Idem pour Bassons et Armstrong.

A des années lumière d’un Tour du Renouveau 

PARIA

Pour résumer cet épisode consacré à la chronique du harcèlement moral de la part du boss du peloton et de ses affidés à l’encontre de Bassons, les observateurs indépendants avaient du grain à moudre pour affirmer que pendant le septennat d’Armstrong on était encore à des années-lumière d’un Tour du Renouveau, voire de transition, de la reconstruction, de la rédemption selon les expressions du directeur du Tour de France. Cette logorrhée de formules creuses sans aucun fondement objectif ne pouvait que convaincre les gogos en mal de légende bidon. Lance Armstrong ayant pris sa retraite définitive en 2010, son départ n’a pas éteint instantanément le courroux du milieu à l’encontre du « mouton noir » dénonciateur des performances factices. C’est sa propre fédération qui va s’en charger en prenant un prétexte mal ficelé pour le suspendre. Le 1er septembre 2012, Bassons participe au Championnat de France de VTT marathon à Langon en Bretagne. Victime d’une hypoglycémie, il abandonne au km 73, en prévenant une officielle de son retrait. Désigné tardivement par téléphone pour se présenter au contrôle antidopage, il se trouvait dans l’impossibilité de satisfaire au prélèvement car depuis son arrêt en course, il avait pris sa voiture pour rentrer chez lui dans le Bordelais.En première instance, pour cette carence au contrôle, la commission disciplinaire de la Fédération (FFC) le suspend… un an ! En appel, la sanction tombe à un mois. Me Lapouble, son avocat, stigmatise le comportement de l’instance fédérale : « On a l’impression que tout a été fait pour l’attraper. Christophe Bassons n’est pas parti comme un voleur. Il n’y a rien dans ce dossier et sa suspension en première instance avait tout d’un procès stalinien. »

Blanchi par l’AFLD

Finalement, le Tarnais a été blanchi par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) qui s’était autosaisie du dossier.Le dernier en date à chercher des poux à Bassons afin de décrédibiliser son action antidopage, c’est son ancien coéquipier chez Festina, Laurent Brochard. Le champion du monde 1997 a publié en juin 2013 une autobiographie dans laquelle il aborde sa cohabitation avec Babasse en 2000-2001 au sein de l’équipe Jean Delatour : « Dans cette formation façonnée à mon image, où j’impose ma griffe, je retrouve une vieille connaissance : Christophe Bassons, l’ancien de Festina, est en effet des nôtres. Un recrutement qui n’est pas de mon fait. Depuis « l’affaire », Christophe, Monsieur Propre autopro­clamé, a entamé une croisade antidopage tapageuse qui a le don de m’agacer. Dans son autobiographie, Bassons n’est pas tendre avec moi, me reprochant notamment une hostilité affichée à son égard, et le refus répété d’accepter les bidons qu’il me tendait en course. Ce qu’il écrit est exact.

 BROCHARD 2

Au début de la saison 2000, j’étais résolu à ne pas recevoir ce genre de bidon et à l’ignorer superbement. Je l’en avais d’ailleurs averti. Je ne sais plus si je me suis comporté de la sorte durant toute l’année, mais oui, je l’ai fait. Nous commettons tous des erreurs, et j’ai certainement mal réagi. Mais lui ne m’a guère ménagé davantage en disant beaucoup de choses et en profitant du système. Car j’estime que Christophe Bassons a profité du système. Ce genre de personnage a en effet indirectement tiré parti du dopage, en gagnant de l’argent sur notre dos. Je m’explique : chez Festina, comme d’ailleurs dans toutes les équipes, les gains récoltés durant toute la saison étaient équitablement répartis en fin d’année entre tous les coureurs. Or cet argent, selon lui mal acquis car gagné grâce aux produits dopants, Christophe Bassons n’a jamais craché dessus.

Arrêtons d’ostraciser ceux qui dénoncent le dopage

Bien au contraire, il ne rechignait pas au moment du partage, estimant avoir droit à sa part du butin. S’il avait été fidèle à sa ligne de conduite, Christophe aurait dû refuser de percevoir un pourcentage sur des primes à ses yeux illégalement glanées. Il n’en a rien été. J’appelle cela cracher dans la soupe. Trouvant son attitude illogique au regard de ses convic­tions, je ne lui témoignerai pas ma sympathie durant son passage chez Delatour. Christophe Bassons quittera finalement l’équipe durant la saison 2001, mettant un terme à sa carrière. Bassons mis à part, le courant passe avec tout le monde. » On voit que la tirade de La Broche n’a qu’un but : ostraciser le défenseur d’un cyclisme sans artifice biologique. Que lui reproche-t-il ? De revendiquer sa part des primes. Mais pendant la compétition, Bassons fait son boulot pour l’équipe et, cerise sur le gâteau, il doit – n’étant pas dopé – se dépouiller beaucoup plus que les autres ! Si cette collaboration aux succès des leaders ne lui rapporte que des nèfles, autant le licencier pour faute grave : refus de se doper. Il y a en a qui ferait mieux de tourner sept fois la langue dans la bouche avant de s’exprimer.

J’ajoute un message à l’attention du milieu cycliste : arrêtez d’attaquer ceux qui dénoncent le dopage. Concentrez vos actions sur les tricheurs de tous poils, sur ceux qui se dopent et ceux qui assurent leur logistique. L’adversaire n° 1, ce n’est pas le Tour, ni le cyclisme mais évidemment le dopage !

En clair, comme le fait le milieu cycliste depuis des lustres, faire la guerre aux pompiers plutôt qu’aux pyromanes, c’est consternant d’inefficacité.

Références

(1) L’Equipe, 17 juillet 1999; (2) Positif; (3) Ibid; (4) L’Equipe, 17 juillet 1999; (5) Positif; (6) Libération, 26 juin 2001; (7) Positif; (8) Libération, 26 juin 2001

 

Athlétisme – Après celle du disque, Ria Stalman décroche la médaille d’or de l’hypocrisie

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Depuis 24 ans, on sait déjà que Ria Stalman, la Néerlandaise championne olympique du lancer du disque à Los Angeles en 1984, s’était dopée – et pas qu’un peu comme aujourd’hui elle le susurre – aux stéroïdes anabolisants pour grimper sur la plus haute marche du podium. Le 8 janvier dernier, à la télévision néerlandaise, elle avoue sa triche vieille de 32 ans en la minimisant comme tous les sportifs. « Au cours de mes deux dernières années de carrière, j’ai pris quotidiennement un dosage léger de stéroïdes anabolisants ».

LEQUIPE

Rappelons à tous les journalistes qui n’ont pas d’archives que, dès 1992, elle avait défrayée la chronique dans la presse de son pays pour trafic d’anabolisants. C’est le quotidien français Libération qui à l’époque, reprenait le journal du dimanche De Krant op Zondag (KOZ) lequel avait publié une longue enquête le 15 mars 1992 (voir article joint). On y apprend que Ria aurait été arrêtée à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis avant les JO de Los Angeles en possession de 800 comprimés de Winstrol®, un stéroïde contenant le fameux stanozolol qui a fait tomber le sprinteur canadien Ben Johnson en 1988 : « C’était triste de la voir chaque matin s’épiler les poils de la barbe » a témoigné Jennifer Smit, son ancienne rivale nationale.

LIBE

Au final, 32 ans après les faits, des aveux minimalistes du bout des lèvres. Pour un sportif, c’est toujours difficile d’expliquer que ses performances sont dues au dopage. Comment se valoriser auprès de sa famille, son entourage, ses fans, son pays… sur des performances factices ? En clair, c’est l’échec d’une vie !

 

 

 

Langue de bois – Vaches valaisannes de combat  »certifiées » propres à cent pour cent par les contrôles du cru. En vérité les tests antidopage négatifs ne prouvent rien

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Un article du Nouvelliste (quotidien valaisan) nous commente avec le concours d’un véto local pourquoi les vaches de combat reines d’Hérens (Suisse) sont clean par rapport au dopage. On n’est pas obligé de croire ce que l’on nous raconte

Ci-dessous l’article et les commentaires du Dr JPDM

« Introduits en 1996, les contrôles antidopage des vaches valaisannes qui luttent se sont toujours révélés négatifs. Ils seront malgré tout maintenus en 2016.

Jamais une seule vache positive !

Les vaches valaisannes qui participent aux combats de reines ne sont pas dopées. Malgré l’absence de contrôle positif, les prises de sang sur les bêtes seront maintenues pour la saison 2016. « Il n’y a jamais eu un seul contrôle positif » a confié le vétérinaire cantonal, Jérôme Barras. La question de maintenir ces contrôles, qui coûtent 500 à 600 francs suisses par combat aux organisateurs, a été discutée. Mais plusieurs éleveurs ont demandé de continuer. Les contrôles avaient été introduits en 1996. Ils faisaient suite à une polémique de l’organisation internationale pour la protection des animaux qui accusait les éleveurs de vaches d’Hérens [NDLR : race de bovins du Valais dotée d’un tempérament vif et belliqueux] de doper leurs animaux aux amphétamines pour les combats. Six ans plus tard, le laboratoire lausannois qui effectuait les analyses a décidé de ne se concentrer que sur l’humain. Les contrôles ont été suspendus, sans avoir décelé de cas de dopage, dans l’attente de trouver un nouveau laboratoire. En 2006, toute la procédure a été revue. Les contrôles maintenus ne sont plus systématiques. Avant, il y avait un tirage au sort d’un certain nombre de bêtes avant chaque combat. Depuis, trois vaches, parmi les vainqueurs, sont contrôlée. Les analyses sont toujours menées dans un laboratoire de Lausanne. Les échantillons sont prélevés par un vétérinaire officiel. Comme pour le dopage chez les sportifs, il y a deux échantillons pour chaque animal. Ils sont anonymisés avant l’analyse en laboratoire.

Trois substances sont contrôlées !

Trois substances sont contrôlées explique Jérôme Barras. Pour le dopage pur, les analyses portent sur les corticostéroïdes qui permettent d’élever le seuil de la douleur et sur les hormones anabolisantes qui augmentent la masse musculaire. Les anti-inflammatoires sont également contrôlés. Ce ne sont pas des produits dopants à proprement parler. Il s’agit plutôt de médication précise M. Barras. Mais il est important que les bêtes qui se battent soient en bonne santé. Si aucune analyse n’a été positive jusqu’à présent, il n’est pas interdit de penser que des animaux dopés ont pu passer entre les mailles du filet. Jérôme Barras n’y croit pas : « Il y a beaucoup de fantasmes autour de ces combats. Ce n’est pas comme un cheval qui doit fournir une prestation à un moment déterminé. Le propriétaire d’une vache ne sait jamais à quel moment sa vache va se battre. Et avant d’entrer dans l’arène, elle traverse le public. Le propriétaire ne peut pas risquer qu’elle ait un comportement agressif qui lui vaudrait une élimination. Le dopage chimique demande aussi une infrastructure qui passera difficilement inaperçue dans le milieu. Et il n’est pas sans risque. L’usage d’hormones peut nuire au vêlage. Aucun éleveur ne prendrait ce risque puisque les vaches doivent vêler régulièrement pour participer aux combats. »

Le vétérinaire cantonal note aussi avec satisfaction que jamais aucun éleveur n’a refusé la prise de sang sur une vache. Les combats de reines ne sont pas un business, financièrement, ils ne rapportent pas grand-chose au propriétaire d’une reine, hormis une notoriété locale. »  [Le Nouvelliste, 05.01.2016]

COMMENTAIRES Dr JPDM Affirmer que des contrôles négatifs sont la preuve qu’il n’y a pas de dopage parmi les vaches valaisannes démontre une belle hypocrisie du milieu encadrant les ruminants de compétition.

Le nombre d’athlètes contrôlés négatifs des centaines de fois qui mettent en avant ces chiffres pour nier leur dopage sont légion et qui, quelques années plus tard, passeront aux aveux pour révéler qu’ils étaient bien dopés à l’époque des tests. Seule les Français Poulidor, Hinault, Jalabert mettent en avant leurs multiples contrôles, tous négatifs, pour nier à vie le dopage. Connaissant les pratiques généralisées de leur époque respective, ils devraient tous les trois être nobélisés dans la section langue de bois.

N’avouent jamais – Pour en revenir aux vaches, elles aussi comme les tricolores de la pédale, n’avoueront jamais rien même sous la torture…

Autre idée reçue colportée par le vétérinaire cantonal consiste à asséner comme preuve irréfutable que « les combats de reines ne sont pas un ‘’business’’ financièrement. Ils ne rapportent pas grand-chose au propriétaire d’une reine, hormis une notoriété locale. » A cette belle envolée, il faut rappeler à ce monsieur que l’argent n’est pas la principale cause du dopage. Par exemple, en cyclisme lorsque le pratiquant débute dans les petites catégories où le seul prix de la victoire est la bise de la miss locale associée au bouquet de fleurs, il carbure déjà aux produits de la victoire. De même, en haltérophilie, ceux qui grimpent sur les Trois marches de la renommée des championnats de France, du monde ou olympique ne gagnent qu’une poignée de main ‘’enrichie’’ d’une peluche-mascotte et d’un bouquet de quelques fleurs. Or, c’est l’un des sports les plus contaminés par les drogues de la performance.

Visiblement, le vétérinaire spécialiste des soins aux vaches suisses ignore que les deux paramètres principaux qui boostent le dopage sont la compétition et l’égo des sportifs ou des propriétaires attirés par la notoriété des podiums. L’argent n’est qu’un potentialisateur n’arrivant, dans le meilleur des cas, qu’en troisième position après la compétition et la reconnaissance.

Chez les humains 300 substances sont disponibles

Troisième entourloupe. On nous raconte que de 1996 à 2002, seules les amphétamines étaient recherchées. Après une interruption de trois ans, les tests ont été reconduits en 2006 en ne s’intéressant plus aux amphétamines ( ? ) mais seulement aux corticostéroïdes, stéroïdes anabolisants et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Quelle plaisanterie ! Chez les humains, pour booster les performances, 300 substances sont potentiellement disponibles mais en liste rouge et les seuls contrôles effectués chez les vaches le sont le jour de l’épreuve, or ce sont les moins pertinents comme chez les humains. L’expérience de cinquante années de lutte antidopage chez les sportifs montre que seuls les contrôles inopinés en dehors des compétitions sont efficaces pour débusquer les tricheurs et leurs mentors.

Quatrième fausse piste sur laquelle nous dirige le véto des vaches Hérens : les prises de sang comme arme absolue afin de débusquer la fraude. En effet, ce dernier martèle : « Jamais aucun éleveur n’a refusé la prise de sang sur une vache ». Pour détecter corticostéroïdes, stéroïdes anabolisants et autres AINS, les prises de sang effectuées le jour du combat ne sont pas très performantes pour identifier les manipulations biologiques surtout si les laboratoires n’ont pas à leur disposition un passeport sanguin regroupant différents tests antérieurs. Pour les trois substances dopantes sélectionnées, c’est plutôt le contrôle urinaire le plus déterminant.

Le véto doit jouer au tennis

Cinquième argument bidon : « Le propriétaire d’une vache ne sait jamais à quel moment sa vache va se battre ». Notre véto doit jouer au tennis car il reprend l’argument numéro un mais fallacieux des spécialistes des courts. En effet, on peut se doper efficacement en amont de la compétition avec effet sur le rendement musculaire pendant et être négatif le jour de l’épreuve. De même, on peut administrer un stimulant avant de passer devant le public avec effet de la drogue seulement quinze à vingt minutes plus tard.

Au final, on a un condensé des faux arguments les plus courants face à la suspicion du dopage. Les vaches d’Hérens bien ‘’préparées’’ peuvent se battre de multiples fois sans grand risque d’être épinglées par la patrouille cantonale.