Dopage – Paul Pogba positif à la DHEA, une substance inefficace sur la performance, écope d’une suspension maximale de 4 ans. Décryptage

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Paul Pogba surnommé La Pioche, âge de 31 ans, est depuis 2013 un footballeur international français (91 sélections). En 2022, il a signé à la Juventus Turin. Il est contrôlé positif le 20 août 2023 à la fin du match Udinese-Juventus (0-3) alors qu’il était remplaçant et n’était pas entré en jeu.

Le rapport « officiel » de l’analyse du flacon A mentionnait une présence de testostérone et de ses métabolites. Toutefois, la contre-analyse effectuée le 6 octobre révèle qu’il s’agit en fait de DHEA, ou déhydroépiandrostérone, une hormone produite par la partie corticale de la glande surrénale, située au-dessus des reins. Cette hormone se convertit dans le sang, après métabolisation par le foie, en deux hormones principales : le 17-bêta-estradiol (un estrogène) et la testostérone, la principale hormone masculine n° 1.

  • CONTRIBUTION AU DÉCRYPTAGE du cas de Paul Pogba
  • Qui peut croire une seconde que la DHEA est efficace sur la performance sportive lorsqu’on sait que les deux nations, RDA et Russie, toutes deux sur le podium des pays aux athlètes les plus dopés, n’ont jamais mentionné dans leurs programmes cette hormone stéroïdienne pour engranger des médailles olympiques ou mondiales ? La preuve : enquête du Pr Werner Franke sur les dossiers de la Stasi publiée dans la presse scientifique et dans un ouvrage-document le témoignage de Grigory Rodchenkov, le patron du labo antidopage russe.
  • De même Cyrille de Vergie, un consommateur-dealer d’engrais musculaires de 1988 à 2012, a testé l’ensemble de la famille ‘’stéroïdes anabolisants’’ sans jamais citer une seule fois dans les 301 pages de son autobiographie Confessions d’un dopé, la DHEA.
  • Par ailleurs, Katia Collomp, professeur de physiologie du sport à l’université d’Orléans, dans un article publié en 2015, aborde l’influence de la DHEA sur le rendement athlétique : « La littérature sur les effets ergogènes de l’apport de DHEA est néanmoins très rare et à notre connaissance aucune étude n’a présenté de preuve que l’usage de la DHEA a amélioré les performances sportives. »
  • En revanche, comme souvent, les seules études de l’AMA sont concentrées sur la détection de la DHEA. Dérive attendue lorsqu’on sait que le directeur scientifique et responsable du Comité Liste de l’Agence mondiale antidopage s’est construit dans l’industrie pharmaceutique où ses compétences ne dépassent pas les analyses et les substances en ignorant tout du suivi médico-sportif des athlètes.
  • En ce qui concerne Paul Pogba, champion du monde 2018, on est certain qu’il a pris de la DHEA, son contrôle positif le confirme. En revanche, rien n’est moins sûr sur le fait que cette hormone était présente dans un complément alimentaire étasunien. En effet, il est souvent arrivé qu’en analysant gélules ou compléments alimentaires de cette substance, le biologiste sollicité ne trouve aucune trace de DHEA.

Afin d’essayer de contribuer à la connaissance de cette carence : substance à l’efficacité contestée, je me suis appuyé sur trois sources d’informations crédibles.

Les organismes internationaux militants dans le camp du dopage tels que :

  • La RDA (1968-1988)
  • La Russie (2000-2015)
  • Un dealer-consommateur (1988-2012), notamment de stéroïdes anabolisants dans les milieux du bodybuilding et du fitness.

La DHEA est entièrement absente de ces pharmacies.

La RDA (1968 – 1989)

  • En 1990, le Dr Werner Franke, membre du Conseil national de la recherche en Allemagne, chargée d’évaluer les anciens instituts de l’Académie des sciences de l’ex-RDA, met la main sur différents documents entreposés à l’Académie militaire et médicale de Bad-Saarow. Cette mise au jour lui fournit la preuve qu’un véritable programme de dopage avait bel et bien existé entre 1968 et 1989 pour plusieurs centaines d’athlètes dans les disciplines les plus variées. Plus de trois cents médecins y ont participé, la plupart étant des médecins du sport ou des spécialistes de l’endocrinologie, de la pharmacologie, de la physiologie ayant un diplôme de ‘’sciences de l’entraînement’’. Certains, agissant comme consultants ou conseillers, étaient des membres haut placés de l’Académie des sciences. L’ensemble du programme (nom de code : ‘’Staatsplanthema 14.25’’) fut lancé, planifié, financé et contrôlé par le gouvernement, en coordination avec le DTSB (Fédération allemande de gymnastique) et l’institut FKS (Institut de recherche sur la culture physique et les sports) à Leipzig. Le principal but du programme était l’amélioration de la performance et de plus en plus aussi le contournement du dépistage lors des contrôles internationaux antidopage. Ce but a été atteint, puisque de 1978 et la lanceuse de poids Ilona Slupianek à 1989 et la chute du Mur de Berlin, aucun athlète de RDA n’a été trouvé positif durant une compétition.
  • En 1997, Werner Franke et son épouse Brigitte Berendonk publient dans Clinical Chemistry, le détail des substances et méthodes dopantes utilisées en RDA : Dopage hormonal et androgénique des athlètes : programme secret du gouvernement d’Allemagne de l’Est (Clinical Chemistry, 1997, 43, n° 7, pp 1262-1279).
  • Alors que les experts scientifiques de RDA étaient à la pointe de la recherche sur l’endocrinologie dopante (sprays nasaux dérivés de la testostérone, précurseur immédiat de cette dernière indétectables, etc.), pas une seule fois la DHEA n’est mentionnée dans ce catalogue des hormones performantes alors que depuis le mitan des années 1970, elle était en vente libre dans les supermarchés et les droguistes américains, notamment sous forme de complément alimentaire.

POST -ITSur 60 pharmacies top niveau (sportifs et médecins), seuls trois praticiens orientés cyclisme détenaient de la DHEA
Depuis les années 1970, nous avons étudié l’inventaire des pharmacies des médecins et des sportifs impliqués dans des affaires de dopage, soit une soixantaine. Il ressort de cette étude personnelle et exclusive que seuls trois praticiens orientés cyclisme détenaient de la DHEA au moment où la justice s’est intéressée à leurs cas. En revanche, aucun sportif n’avait en sa possession des gélules contenant de l’hormone ‘’mère des stéroïdes’’.
l  1998
Le médecin espagnol de l’équipe Once, le Dr Nicolas Terrados Cepeda, au moment de l’affaire Festina était en possession d’une seule boîte de DHEA. Rappelons que l’équipe Once avait à sa tête le sulfureux directeur sportif Manolo Saiz et comme leader Laurent Jalabert
l   2002-2004
Le médecin italien Michele Ferrari est épinglé par la justice de son pays lors d’un procès de 2002 à 2004. Dans sa pharmacie, sont découverts 300 capsules de DHEA. Selon Le Mythe – son surnom attribué par le peloton – les capsules en nombre servaient à son père pour soigner une arthrite (Ndlr : pas très pertinente comme excuse lorsqu’on sait que la DHEA n’est pas un anti-inflammatoire)
l   2002-2008
Le vétérinaire belge José Landuyt, acteur central de l’affaire dite ‘’Johan Museeuw’’, une star du cyclisme international où la DHEA figurait en bonne place dans les protocoles ergogéniques. Finalement, le vétérinaire et le soigneur Herman Versele ont été condamnés en décembre 2008 à un an de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende.

RUSSIE (2006-2015)

Grigory Rodchenkov, le patron du labo antidopage (le mal nommé !) de Moscou, dans sa biographie sur son activité dopante, ne mentionne jamais parmi les nombreux dopants évoqués la déhydroépiandrostérone (DHEA)

  • Grigory Rodchenkov, l’auteur du second bouquin Dopage organisé, a été le patron du laboratoire antidopage de Moscou de 2006 à 2015. La 4e de couverture de son ouvrage résume son parcours : « Ingénieur chimiste et ancien coureur de fond, Grigory Rodchenkov est l’ex-directeur du laboratoire antidopage de Moscou. Il est celui qui a dénoncé, d’abord dans un documentaire télévisé – Icare – puis dans ce livre, le système de tricherie institutionnel mis en place par le gouvernement russe. Menacé de mort par les services secrets de son pays, il vit désormais aux Etats-Unis. »

L’homme par qui la Russie est mise au ban de la société du sport mondial, précise son rôle dans cette descente : « Sept mois avant les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014, des informations sur un système de triche organisée des athlètes russes ont commencé à circuler. Deux ans plus tard, l’étendue du programme de dopage étatique au cœur du sport soviétique et russe depuis des décennies fut révélée au monde entier. Ce programme de dopage systématique, le plus efficace de tous les temps, je l’ai mis au point en tant que chimiste et directeur du bien mal nommé centre antidopage de Moscou.

Et avec le soutien du FSB, de la police secrète et du gouvernement. Depuis, je suis en exil involontaire de ma patrie sous protection, craignant chaque jour pour ma vie. Voici mon histoire. »

COMMENTAIRES JPDM – Dans les 333 pages, les produits lourds sont évoqués : testostérone, stéroïdes anabolisants, EPO, GW1516, hormone de croissance (hGH), SARMS (ostarine). Pas une seule ligne sur la DHEA, notamment pages 325 à 328 concernant le ‘’récapitulatif des substances’’ utilisées par les Russes.

‘’CONFESSIONS D’UN DOPEUR’’

Par Cyrille de Vergie, un consommateur-dealer de stéroïdes anabolisants dans le milieu du bodybuilding et du fitness. La DHEA semble inconnue de ce « spécialiste » des engrais musculaires.

  • Cyrille de Vergie, le premier auteur, ancien pratiquant de bodybuilding et préparateur physique diplômé d’Etat, explique qu’aucune discipline, pas même le tir sportif, n’est épargnée : tous les athlètes ont besoin de se doper pour maintenir un rythme contre nature. Dans Confessions d’un dopeur, Cyrille de Vergie retrace son parcours atypique, ses rencontres (parfois avec des célébrités) dans le microcosme sportif, évoquant de nombreuses anecdotes éloquentes. En parallèle de sa carrière officielle, il a lui-même préconisé des substances à des sportifs afin de les aider à booster leurs performances jusqu’à devenir un personnage central de l’approvisionnement en produits dopants en France. Il détaille leur fonctionnement, leurs effets sur l’organisme ainsi que les moyens utilisés pour contourner les contrôles. Ancien préparateur physique et biologique, Cyrille de Vergie est désormais musicien professionnel.

COMMENTAIRES JPDM : Sur les 301 pages, une quarantaine de médicaments sont cités, la plupart figurant dans la liste des substances illicites. La DHEA semble inconnue de Cyrille de Vergie. Dans le milieu du bodybuilding, celui de l’auteur, il est rare qu’une substance inefficace comme la DHEA alimente les conversations des gros bras.

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Article et illustrations – copyright blog : dopagedemondenard.com

Index des sigles utilisés

AFPAgence France-Presse
AMAAgence mondiale antidopage (fondée le 10 novembre 1999)
DHEAdéhydroépiandrostérone
RDARépublique Démocratique Allemande

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EN FICHIER JOINT :

  • DICTIONNAIRE DU DOPAGE – La fiche – actualisée et enrichie – pharmaco-médico-sportive de la DHEA

Dopage’Actu – Trois sports en première ligne : athlé (Kenya), rugby (Douglas Steele), tennis (Fernando Verdasco)

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Après l’affaire Festina  de 1989 et la sortie en bloc du Tour de France de Richard Virenque et ses équipiers, l’instance UCI et l’organisateur ASO nous ont  »gonflé le mou » en nous annonçant régulièrement pendant des années, au moment des voeux, que le Tour du Renouveau était arrivé. Sauf  que plus de vingt après, on est sûr de rien !