Tour de France 2016 – Public : 10 à 12 millions de spectateurs sur les routes de France… depuis 1948

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En soixante-six ans, pas un quidam de plus…

 Personnellement, nous nous intéressons à la Grande Boucle depuis les années Louison Bobet, notamment à l’occasion de sa victoire dans le grand Prix de la Montagne 1950. Depuis cette date, cela fait donc soixante-six ans, régulièrement, les organisateurs et leurs médias satellites, nous « vendent » le nombre de douze à quinze millions de spectateurs.

Or, si on compare la population française métropolitaine des années 1950 (42 600 000 habitants) et celle d’aujourd’hui (66 600 000 en janvier 2016 dont 64,5 en métropole), on compte une progression de 36%, ce qui en clair signifie que le nombre de spectateurs restant au bord des routes pendant des heures ne variant pas, on doit en déduire qu’ en proportion le Tour intéresse beaucoup moins les Français qu’à l’époque de la dream team du vélo où cohabitaient dans le même peloton les Fausto Coppi, Gino Bartali, Ferdi Kubler, Hugo Koblet, Louison Bobet, Jean Robic, Charly Gaul, Federico Bahamontès, Rik Van Steenbergen, etc.

Ajoutons que, de nos jours, le Français déserte de plus en plus les campagnes pour rejoindre les villes et comme, parallèlement, ces quinze dernières années on a enregistré une démographie très positive, le spectacle du Tour devrait mathématiquement drainer beaucoup plus de monde. Mystère des slogans… « Le Tour est une banderole publicitaire de quatre mille kilomètres »

Afin de démontrer que le chiffre des spectateurs n’a pas varié depuis 1948, du moins dans la presse, nous avons réunis au fil du temps, des extraits de journaux et autres documents témoignant de cette stagnation

 1948 – Miroir Sprint – « Records battus »

 « L’appareil à évaluer à un millier près le nombre de spectateurs ayant assisté du bord de la route, de leur fenêtre ou de leur balcon au passage du Tour de France, n’est as encore inventé…

Mais les avis sont unanimes : jamais le Tour n’a suscité d’aussi vastes mouvements de foule. Nul suiveur n’oubliera la mer humaine entre laquelle la caravane s’engagea aux approches de Toulouse. La traversée de la Sarre effaça des pensées cette image frémissante. Sarrebruck, Sarrelouis ! Sur des centaines et des centaines de mètres, les coureurs défilèrent entre deux haies épaisses de spectateurs où dominent, curieuse frise de têtes blondes, les ‘’moins de dix ans’’ (…) De Bastogne à Liège, le spectacle pour être plus classique, n’en restait pas moins impressionnant ! A Liège, des personnes payèrent jusqu’à 1 000 francs belges (35 euros d’aujourd’hui), une place de balcon qui leur permit de voir passer à 45 à l’heure quelques groupes anonymes de maillots bariolés. Et dimanche, le Nord de la France n’était qu’une Belgique multipliée par dix. Où s’arrêtera le pouvoir d’attraction du Tour ? » [Miroir Sprint, 1948, n° 114, 26 juillet, p 12]

 1950 – Sport DigestQuinze millions de spectateurs

 Dans un article paru dans Sport Digest, un mensuel des années 1950, Pierre About, un journaliste de L’Équipe, fait pénétrer le lecteur à l’intérieur même de la caravane qui, sur 4 773 kilomètres de route, roule à 40 kilomètres de moyenne autour de la France, et démêle les rouages de cette mécanique complexe qu’est le Tour, avec sa caravane publicitaire, ses directeurs de course, ses journalistes, ses mécaniciens, sa police, ses infirmiers et… ses coureurs, sans oublier le public dont il évalue le nombre : « Le Tour de France touche en passant quelque chose comme quinze millions de spectateurs. » [1]

 1953 – Le Miroir des SportsPlus de quinze millions de français

Dans un hors série du Miroir des Sports, un hors série publié en juin 1953, avant le Tour de France, il est annoncé en titre d’un article : « Le dessinateur Paul Ordner a reconstitué (pour vous) ce défilé (impressionnant) du Tour de France. Une vision unique offerte tous les ans à plus de quinze millions de Français»

TDF

 1973 – Douze millions

 « L’on estime à douze millions le nombre de spectateurs qui se rendent sur la route du Tour de France : 47,7% d’hommes, 26,7% de femmes, 27,6% d’enfants. 66,2% viennent des villes de plus de 60 000 habitants ; 19,5% de communes de 8 à 60 000 habitants ; 14,3% des villages. » [2]

 ROSE

 1989 – Société du Tour de France : dix-huit millions

Claude Sudres (1931-2005), le responsable du service de presse de la Grande Boucle et des épreuves organisées par la Société du Tour de France de 1980 à 1989, dans le Magazine officiel du Tour 1989, révèle différents chiffres dont le nombre de spectateurs présents sur le parcours : « Le public sur la route du Tour est estimé à environ dix-huit millions de personnes. » [3]

 2002 – Plus de vingt millions

Selon Pascal Charroin, maître de conférences et directeur du département STAPS de Saint-Etienne, dans l’ouvrage collectif « Pour un maillot jaune » publié avant le centenaire du Tour en juin 2003 : « Le Tour attire plus de 20 millions de spectateurs sur le bord des routes. » [4]

 2012 – ASO [5]Douze à quinze millions

 Dans le dossier de presse distribué le mercredi 24 octobre 2012, lors de la présentation du Tour 2013, ASO – la société organisatrice de l’épreuve – a fourni quelques chiffres relatifs au public :

«  – 12 à 15 millions de spectateurs

–  70% d’hommes et 30% de femmes

–  80% de français et 20% d’étrangers

–  6 heures de présence en moyenne au bord de la route ».

 

lourdes

Miracle à Lourdes – « On se lève tous pour le Tour de France ! »

  2015 – ASO [6]Dix à douze millions

 Dans le dossier de presse distribué le mardi 20 octobre 2015 lors de la présentation du Tour 2016, ASO a fourni les chiffres relatifs au public :

  • 10 à 12 millions de spectateurs,
  • 65% d’hommes et 35% de femmes,
  • 80% de spectateurs français et 20% d’étrangers
  • Plus de 6 heures de présence en moyenne au bord de la route.

 POST-IT

Pourquoi le chiffre de spectateurs stagne autour de 10 à 12 millions (source ASO) alors que, compte tenu de l’augmentation de la population française de 36% depuis 1950, on devrait noter une progression du même ordre, soit de 5,4 millions donnant un total de 20 millions. Or, en 2016, on est toujours selon ASO – l’organisateur de la Grande Boucle – à 10/12 millions.

Deux éléments sont à considérer pour expliquer ce recul des aficionados massés sur le bord des routes que fréquente en juillet le peloton des géants de la route : la télévision et le dopage.

La télévision – en 1950, on estimait à 3 500 le nombre de téléviseurs présents sur l’Hexagone.

télé

Une télé des années 1950

Aujourd’hui, 98,5% des Français sont équipés de télévisions, ce qui donne une population d’appareils de 63,5 millions.

 

Ainsi, il est facile de comprendre qu’il est tentant de rester confortablement installé dans son fauteuil avec la clim ou le ventilo tout en regardant les très belles images de la course mais aussi la nature environnante avec ses sites remarquables. Pour cette raison de facilité, il y a beaucoup moins de gens qui se rendent voir la course lorsqu’elle passe loin de leur domicile.

Le dopage – En 1965, une loi antistimulants est promulguée, ce qui fait du recours aux drogues de la performance un acte délictueux.  S’ensuit la mort de Tom Simpson en 1967 sur les pentes du Mon Ventoux, l’exclusion de Michel Pollentier en 1978 alors qu’il est maillot jaune, l’abandon en 48 h de toute l’équipe PDM victime d’un dopant mal réfrigéré, l’affaire Festina en 1998, l’opération Puerto en 2006… En 1950, d’une pratique ponctuelle (compétition) par absorption de pilules multicolores que les étudiants, les cols blancs, les médecins, les camionneurs consommaient eux aussi, la grande majorité du peloton est passé dans les années 1980 à la médicalisation high tech-performance. Nul doute que ce changement de comportement a pesé négativement sur l’enthousiasme du public pour voir passer de visu des « Rois de la Pédale » trop portés vers la divine seringue.

 

 [1] Pierre About, Les Mille et une nuits modernes, Sport Digest, 1950, n° 21, août, pp 9-21 (p 17)

[2] Robert Janssens, Le Tour, Fleurs et Pleurs, Amsterdam (NED), éd. Hélios, 1988, 231 p (p 49)

[3] Le magazine officiel,  L’évènement média : le Tour de France 1989, HS n°1, juin, 114 p (p 25)

[4] Maillot Jaune. Regards sur cent ans du Tour de France, Anglet (64), éd. Atlantica, 2003, 610 p (p 334)

[5] Amaury sport organisation (ASO)

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