Solutricine maux de gorge : Amaury Leveaux nous enfume…

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En quelques lignes pour lecteur pressé
Amaury Leveaux, en avril 2015, lors de la tournée médiatique qui a suivi la sortie de son livre « Sexe, drogue et natation » et pour faire le buzz - le thème du dopage étant toujours très prisé des journalistes - s’est répandu dans la presse et les plateaux TV qu’un banal produit pour soigner les maux de gorges, Solutricine® à la tétracaïne était, dans le cadre d’une compétition, interdit aux sportifs. Sauf que le médicament en question n’est plus prohibé par le Code mondial antidopage depuis 2004, soit onze ans. Bonjour, la désinformation du quadruple médaillé olympique. Mais encore plus fort, aucun des intervieweurs ne l’a repris pour lui dire qu’il nous racontait des âneries.

En avril 2015, le quadruple médaillé olympique sort un ouvrage intitulé « Sexe, drogue et natation » avec un sous-titre racoleur : « Un nageur brise l’omerta ».

LEVEAUX

Le triton se plante

Dès l’entame des 249 pages, Leveaux s’insurge contre les biographies à l’eau de rose ainsi que des interviews bidon. Sauf que dans son bouquin, on peut lire erreurs et contrevérités à la pelle. Grâce à cet opus, il va mobiliser l’espace médiatique pendant quelques semaines. A l’occasion d’un entretien dans Voici du 13 mai 2015, le triton retraité depuis fin 2013, aborde le thème du dopage, un sujet rarement évoqué par le milieu de la natation. Malheureusement pour lui, il va se planter copieusement en nous parlant d’un produit dopant prohibé qui, en réalité, ne fait plus partie de la liste depuis … 11 ans. Bravo pour le scoop !

Reprenons ce que déclare Maumau (son surnom initié par Philippe Lucas) à propos du sujet qui fâche : « Un jour, quand je nageais (international de 2004 à 2013), j’avais mal à la gorge, on me dit ‘’prends un comprimé de Solutricine®’’. Je dis : ‘’pas possible, c’est sur la liste’’. On me répond : « Mais, c’est bon, tu le prends le soir et le lendemain matin ça part dans les urines direct’’. C’est anecdotique mais révélateur. »

N’est plus en liste rouge depuis 11 ans

Sauf que, et cela peut servir à tous les sportifs de compétition pratiquant l’automédication, Solutricine® maux de gorge utilisé en cas d’irritation peu intense de la gorge, d’aphtes et de petites plaies de la bouche, n’a figuré sur la liste des produits interdits du ministère des Sports que de 1995 à 2005 et pour cette raison, depuis onze ans, ne peut entraîner un contrôle positif puisque les anesthésiques locaux ont été retirés de la liste rouge édictée par l’Agence mondiale antidopage (AMA) le 1er janvier 2004 (dont l’un la tétracaïne est présent dans Solutricine® maux de gorge, comprimés à sucer, le produit mis en cause par Leveaux) !

Dans le dictionnaire Vidal – répertoire des médicaments français dont la couverture est rouge vif – Solutricine® maux de gorge à la tétracaïne depuis le début de sa commercialisation en 1995 et ce jusqu’en 2005 a figuré sur la « liste indicative des spécialités pharmaceutiques françaises contenant des produits dopants », placée en début d’ouvrage et communiquée officiellement par les services du ministère des Sports. Depuis 2005, et encore aujourd’hui en 2016, Solutricine® à la tétracaïne (comprimés à sucer) ne fait plus partie de la liste rouge.Mais, curieusement, tout comme les pastilles Drill® du footballeur masqué (voir par ailleurs dans le blog) pour Solutricine® maux de gorge à la tétracaïne dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) publié dans les mêmes éditions du Vidal entre 2005 et 2015, on peut lire la mention : « L’attention des sportifs sera attirée sur le fait que cette spécialité contient un principe actif (anesthésique local) pouvant induire une réaction positive des tests pratiqués lors de contrôles antidopage. » SOLUTRICINE%20TETRACAINE%200,2MG

Réglementation des anesthésiques locaux (AL)

Liste Comité international olympique (CIO) : de 1980 à fin 2003, les AL sont soumis à certaines restrictions et sont inscrits sur la liste rouge.

Liste Agence mondiale antidopage (AMA) : depuis le 1er janvier 2004, les AL ne sont plus considérés comme des substances dopantes et ne font plus partie de la liste rouge.

Les spécialités Solutricine® tétracaïne (comprimés à sucer et solution pour pulvérisation locale) sont apparues dans les pharmacies en 1995 pour les comprimés à sucer et en 2000 pour la pulvérisation locale. Les résumés des caractéristiques de ces produits (RCP) comportent dès 1995 pour la première et de 2000 à 2009 (année de son retrait du marché) pour la seconde, la mise en garde aux sportifs.

En 2004, la liste rouge du ministère des Sports publiée au début du Vidal dans les pages « Informations de l’AFSSAPS » comporte toujours la présence des deux spécialités de Solutricine® à la tétracaïne car le bouclage du dictionnaire des médicaments s’arrête au 31 octobre 2003. A cette date, la réglementation de l’AMA n’a pas encore été entérinée par la France. En revanche, dès le Vidal 2005, les deux Solutricine® à la tétracaïne ont été supprimées des listes ministère des Sports présentent dans le Vidal de 2005 à 2015.

Liste ministère des Sports : Vidal 2005

LISTE AL  Solutricine® tétracaïne n’y figure plus

Malheureusement pour les pratiquants licenciés dans une fédération, la mention « Mise en garde aux sportifs » est en 2015 toujours inscrite dans les RCP du Vidal et dans la notice présente dans les boîtes de Solutricine® à la tétracaïne comprimés à sucer (la commercialisation de la forme en pulvérisation a été arrêtée en 2009).

Les contradictions du Vidal 

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En clair, au début du Vidal, dans les pages « Informations pratiques » comportant la liste rouge officielle des interdictions, Solutricine® n’est pas référencé comme substance prohibée alors que dans la notice du médicament placée dans le corps de l’ouvrage, à la lettre S, on lit la mise en garde aux sportifs. Cette aberration se retrouve également dans la notice placée dans la boîte du médicament. Ce défaut d’harmonisation dure depuis dix ans et concerne la majorité des spécialités contenant un anesthésique local. Le responsable de ce mastic sera-t-il sanctionné ? Pas sûr…

Quoi qu’il en soit, on constate que le staff technique d’Amaury Leveaux du Lagardère Racing Club ( ?) ou de l’équipe de France ( ?) (ce n’est pas précisé dans la biographie du quadruple médaillé olympique) qui lui donne la martingale pour ne pas être positif avec Solutricine® maux de gorge n’est pas très professionnel puisque lui aussi ignore que ce médicament n’est plus prohibé depuis 2004. D’autre part, on constate que l’Agence du médicament ne fait pas son boulot car la rédaction des Résumés caractéristiques des produits (RCP) présents dans le Vidal sont de sa responsabilité.

Anesthésiques locaux : ils sont tous autorisés

Au final, pour réparer les carences des instances antidopage et gouvernementales françaises mais aussi Sanofi-Aventis France, le laboratoire commercialisant Solutricine® maux de gorge tétracaïne,   nous publions la liste des 29 spécialités pharmaceutiques concernées par les anesthésiques locaux (soit 67,4%) dont la mention aux sportifs figure toujours par erreur dans le Vidal 2015. En revanche, il faut préciser que sur 43 médicaments à base d’anesthésiques locaux présents dans le Vidal, 14 – soit 32,5% – ont intégré que ces substances ne sont plus prohibées depuis 2004 et ne comportent plus la mise en garde aux sportifs.

AL

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