Récemment, dans L’Express.fr du 16 avril 2016, Jeff Novitsky, l’agent fédéral du gouvernement américain chargé d’enquêter sur le dopage sportif – c’est lui qui s’est ‘’occupé’’ du cycliste Lance Armstrong, de l’athlète Marion Jones et du joueur de baseball Barry Bonds – a remis dans l’actualité le postulat que les sportifs étaient prêts à arrêter de tricher à la seule condition qu’ils soient sûrs que leurs adversaires ne fraudent pas : « J’ai réalisé de 100 à 150 entretiens avec des athlètes dopés et je leur ai toujours posé cette question. 9 fois sur 10, leurs réponses renvoient à la notion de croyance : ‘’J’ai choisi de le faire car je ne croyais pas à la propreté de mes concurrents’’, ‘’parce que je croyais que mes coéquipiers le faisaient’’ ou ‘’je ne croyais pas que les instances de mon sport s’en soucieraient.’’ »
Le but ultime de la compétition est de pouvoir se valoriser sur sa performance. C’est-à-dire que pour exister, il faut atteindre le podium, voire ses proches alentours (Top 10). Or, tous les athlètes pensent que leur vainqueur n’est pas plus fort qu’eux-mêmes mais « à un truc de plus ».
A partir de cette analyse, le dopage devient une quête permanente d’autant plus qu’il n’est pas difficile de se booster s’en se faire prendre (substances indécelables, borderlines, masquantes). Des éventuels problèmes de santé provoqués par les drogues de la performance ne les rebutent pas. La seule chose qui pourrait les faire changer de comportement serait qu’ils soient sûrs à 100 pour cent qu’ils concourent à armes égales, c’est-à-dire sans que leurs adversaires puissent se sublimer en toute impunité. Plusieurs spécialistes arrivent à la même conclusion que Jeff Novitsky.
Jeff Novitsky
CITATIONS : AVOIR LA CERTITUDE QUE LES AUTRES NE PRENNENT RIEN
Jacques Marchand (FRA), journaliste à L’Equipe de 1955 à 1976 : « Les coureurs eux-mêmes sont effrayés, ils ont été entraînés dans le cercle empoisonné, avec la mauvaise raison : ‘’Nous nous dopons pour ne pas être désavantagés par rapport à ceux qui se dopent’’. Ils accepteraient de cesser, s’ils avaient la garantie que tout le monde cesse. » [Le Miroir des Sports, 21.10.1965]
Dr Philippe Miserez (FRA), médecin du Tour de France de 1971 à 1981 : « Tous sont au courant des catastrophes physiologiques que peut entraîner le dopage et notamment l’abus des corticoïdes. Cela ne les émeut pas. Ils consentiraient, éventuellement, à cesser d’en prendre, si tout le monde en faisait autant. Puisque ce n’est pas le cas, ils continuent. Un avenir grabataire ou peuplé de cannes anglaises et de chaises roulantes ne les effraye pas. Chacun est persuadé que « lui » saura s’arrêter à temps. Le seul argument qui les touche directement est le spectre d’une probable impuissance sexuelle. A la moindre défaillance, ils cessent leur « traitement » et accourent chez le médecin. » [Le Figaro, 23.01.1979]
Dr Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport depuis 1973 : « Les sportifs, dans leur majorité, sont pour les contrôles à condition d’être certains que ceux qui se dopent soient pris et sanctionnés à coup sûr. Malheureusement, cette certitude réclamée par les sportifs et les entraîneurs n’est pas envisageable dans un avenir proche. » [La Recherche, supplément au n° 245, juillet-août 1992, p 896]
Howard Payne (GBR), lanceur de marteau, entraîneur d’haltérophilie, université de Birmingham : « La presque totalité des athlètes auxquels j’ai parlé accueillerait avec joie les examens antidoping s’ils étaient certains qu’aucun médicament n’y échapperait. Dans l’ensemble, les sportifs veulent se débarrasser des stéroïdes. » [in « La Médecine sportive. Prévention – entraînement – alimentation – soins » de Gabe Mirkin .– Montréal (CAN), Les Éditions de l’Homme, 1981. – 322 p (p 160)]