Hyperthermie et médicaments

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Faisant suite au texte sur chaleur + effort physique + amphétamine ou la ‘’trilogie infernale’’, à l’attention des pratiquants de compétition ou de loisir, nous le complétons avec la liste des drogues les plus à risque en cas de surchauffe thermique (température de l’air et degré hygrométrique élevés). Si, pour une raison quelconque, vous prenez des médicaments prescrits ou non par un praticien, informez votre médecin référent que vous pratiquez un sport de plein air ou non à haute dépense énergétique.

Liste des drogues les plus à risque en cas de surchauffe thermique

La température corporelle est déterminée par un thermostat siégeant au niveau du noyau préoptique de l’hypothalamus antérieur. Elle résulte d’un équilibre entre les processus de thermogenèse ou production de chaleur (métabolisme, activité musculaire) et de thermolyse ou évacuation de la chaleur (perspiration cutanée, sudation, expiration). La fièvre désigne une hyperthermie en réponse à un dérèglement du thermostat, sous l’effet de cytokines leucocytaires (IL-1, TNF, IL-6, interférons) appelées « pyrogènes endogènes » qui stimulent la synthèse de prostaglandine E2 au niveau de l’hypothalamus. Il en résulte diverses manifestations métaboliques, neurovégétatives et somatiques à l’origine d’un syndrome fébrile où l’élévation de la température ne représente qu’un symptôme. Le syndrome fébrile doit être différencié du syndrome hyperthermique qui témoigne d’une faillite des mécanismes de thermorégulation par excès de production et/ou défaut de dissipation de chaleur. Compte tenu de ces données physiopathologiques certains médicaments, par le biais de leurs propriétés pharmacologiques ou par celui des effets secondaires qu’ils entraînent, peuvent être responsables de la survenue de troubles liés aux températures extrêmes. L’hyperthermie provoquée par un médicament peut survenir par deux mécanismes : un effet sur les mécanismes physiologiques de thermorégulation (refroidissement) et/ou une augmentation de la production de chaleur (thermogenèse).

THERMOREGULATION CHALEUR

Médicaments ayant un effet sur la thermorégulation

Les neuroleptiques tendent à perturber l’initiation de la thermorégulation.

Au niveau périphérique, un certain nombre de médicaments s’opposent aux mécanismes physiologiques de déperdition de chaleur, à savoir la vasodilatation capillaire et la sudation :  les catécholamines,  les sympathomimétiques

Parallèlement la sudation (transpiration) est limitée par l’effet des substances anticholinergiques comme :

. l’atropine,

. les antidépresseurs tricycliques,

. les antihistaminiques,

. les antiparkinsoniens anticholinergiques,

. les anticholinergiques antispasmodiques,

. les neuroleptiques : l’effet a été démontré pour les phétothiazines.

Principales causes du « syndrome hyperthermique »

Production excessive de chaleur

¨        Hyperthermie d’effort

¨        Etat de mal convulsif

¨        Delirium tremens

¨        Syndrome malin des neuroleptiques

¨        Hyperthermie maligne des anesthésiques

¨        Intoxications : salicylés, amphétamines (ecstasy), cocaïne, éphédrine,

¨        Thyrotoxicose (surdose d’hormones thyroïdiennes : bodybuilding)

Dissipation insuffisante de chaleur

 ¨        Déshydratation ++

¨        Sujets trop couverts (style K-Way)

¨        Anticholinergiques

¨        Syndrome malin des neuroleptiques

¨        Alcool (inhibe l’hormone antidiurétique et par ricochet augmente la diurèse)

Enfin, certaines substances empêchent l’adaptation cardiaque en réaction à la vasodilatation, à savoir augmentation du rythme cardiaque et du début systolique. Ce sont : les bêtabloquants, les diurétiques

 Médicaments augmentant le risque de survenue d’une pathologie

liée à la surchauffe

CORYDRANECorydrane® : association d’amphétamine et d’aspirine

Médicaments altérant la fonction hypothalamique (avec production excessive de chaleur) Médicaments provoquant une hypovolémie Médicaments altérant la perception de chaleur Médicaments altérant la réponse cardiovas-culaire
amphétamines ⊕ (1)

anesthésiques- anticholinergiques antidépresseurs   tricycliques sédatifs antihistaminiques antiparkinsoniens cocaïne ⊕ éphédrine ⊕ (2) IMAO  (type B) ⊕ lithium neuroleptiques salicylés (aspirine) sérotoninergique :  fluoxétine (Prozacâ)

– alcool ⊕

– ARA2   (hypotenseurs)

– dérivés nitrés  (trinitrine)

– diurétiques ⊕

– IEC (hypotenseurs)

 

Association médicamenteuse contenant notamment des diurétiques hypokaliémiant

 

alcool ⊕

hypnotiques

opiacés (morphine,

héroïne) ⊕

sédatifs

alphabloquants

antiarythmiques

bêtabloquants ⊕

calcium bloqueurs

 

      ⊕  Substances figurant sur la liste du Code mondial antidopage

(1)   exemples : le Danois Knud Enemark (JO 1960, décédé lors de l’épreuve du 100 km clm/équipes), le Français Jean Malléjac (malaise et hospitalisation faisant suite à une insolation dans la montée du Ventoux lors du Tour 1955), le Luxembourgeois Charly Gaul (abandon Tour de France 1957), le Britannique Tom Simpson (décédé dans le Ventoux le 13 juillet 1967)

(2)   exemple : le joueur de baseball Steve Bechler (USA)

 

 

 »Avoir la certitude que les autres ne prennent rien » !

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Récemment, dans L’Express.fr du 16 avril 2016, Jeff Novitsky, l’agent fédéral du gouvernement américain chargé d’enquêter sur le dopage sportif – c’est lui qui s’est ‘’occupé’’ du cycliste Lance Armstrong, de l’athlète Marion Jones et du joueur de baseball Barry Bonds – a remis dans l’actualité le postulat que les sportifs étaient prêts à arrêter de tricher à la seule condition qu’ils soient sûrs que leurs adversaires ne fraudent pas : « J’ai réalisé de 100 à 150  entretiens avec des athlètes dopés et je leur ai toujours posé cette question. 9 fois sur 10, leurs réponses renvoient à la notion de croyance : ‘’J’ai choisi de le faire car je ne croyais pas à la propreté de mes concurrents’’, ‘’parce que je croyais que mes coéquipiers le faisaient’’ ou ‘’je ne croyais pas que les instances de mon sport s’en soucieraient.’’ »

Le but ultime de la compétition est de pouvoir se valoriser sur sa performance. C’est-à-dire que pour exister, il faut atteindre le podium, voire ses proches alentours (Top 10). Or, tous les athlètes pensent que leur vainqueur n’est pas plus fort qu’eux-mêmes mais « à un truc de plus ».

A partir de cette analyse, le dopage devient une quête permanente d’autant plus qu’il n’est pas difficile de se booster s’en se faire prendre (substances indécelables, borderlines, masquantes). Des éventuels problèmes de santé provoqués par les drogues de la performance ne les rebutent pas. La seule chose qui pourrait les faire changer de comportement serait qu’ils soient sûrs à 100 pour cent qu’ils concourent à armes égales, c’est-à-dire sans que leurs adversaires puissent se sublimer en toute impunité. Plusieurs spécialistes arrivent à la même conclusion que Jeff Novitsky.

NOVITSKY

                                                         Jeff Novitsky

CITATIONS : AVOIR LA CERTITUDE QUE LES AUTRES NE PRENNENT RIEN

 Jacques Marchand (FRA), journaliste à L’Equipe de 1955 à 1976 : « Les coureurs eux-mêmes sont effrayés, ils ont été entraînés dans le cercle empoisonné, avec la mauvaise raison : ‘’Nous nous dopons pour ne pas être désavantagés par rapport à ceux qui se dopent’’. Ils accepteraient de cesser, s’ils avaient la garantie que tout le monde cesse. » [Le Miroir des Sports, 21.10.1965]

Dr Philippe Miserez (FRA), médecin du Tour de France de 1971 à 1981 : « Tous sont au courant des catastrophes physiologiques que peut entraîner le dopage et notamment l’abus des corticoïdes. Cela ne les émeut pas. Ils consentiraient, éventuellement, à cesser d’en prendre, si tout le monde en faisait autant. Puisque ce n’est pas le cas, ils continuent. Un avenir grabataire ou peuplé de cannes anglaises et de chaises roulantes ne les effraye pas. Chacun est persuadé que « lui » saura s’arrêter à temps. Le seul argument qui les touche directement est le spectre d’une probable impuissance sexuelle. A la moindre défaillance, ils cessent leur « traitement » et accourent chez le médecin. » [Le Figaro, 23.01.1979]

Philippe Miserez  Dr Philippe Miserez

 Dr Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport depuis 1973 : « Les sportifs, dans leur majorité, sont pour les contrôles à condition d’être certains que ceux qui se dopent soient pris et sanctionnés à coup sûr. Malheureusement, cette certitude réclamée par les sportifs et les entraîneurs n’est pas envisageable dans un avenir proche. » [La Recherche, supplément au n° 245, juillet-août 1992, p 896]

 Howard Payne (GBR), lanceur de marteau, entraîneur d’haltérophilie, université de Birmingham : « La presque totalité des athlètes auxquels j’ai parlé accueillerait avec joie les examens antidoping s’ils étaient certains qu’aucun médicament n’y échapperait. Dans l’ensemble, les sportifs veulent se débarrasser des stéroïdes. » [in « La Médecine sportive. Prévention – entraînement – alimentation – soins » de Gabe Mirkin .– Montréal (CAN), Les Éditions de l’Homme, 1981. – 322 p (p 160)]