Tour de France – La triche motorisée a commencé en… 1903 !

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Cent quatorze ans plus tard, elle continue grâce au ballet des bidons  et des motos

 Des gains marginaux illicites

Alors que les étapes de montagne font leur apparition sur la route du Tour, les bidons-motorisés vont se multiplier dans les acensions.

Mais, dès 1903, les objets motorisés ont eu la faveur des Géants de la Route. Que ce soit comme passager d’une voiture, accroché à un boyau, un bidon, une portière, dans l’abri d’un coffre, dans l’aspiration d’une moto, tout est bon pour s’économiser, c’est humain.

Problème : à quoi servent les commissaires de course ? Soit ils sont potes avec les coureurs, soit ils sont ‘’miros’’. Dans les deux cas, ils doivent dégager pour laisser la place à ceux qui veulent faire le job sérieusement.

Dès le premier Tour en 1903, Maurice Garin, le vainqueur final, se planque sous la bâche de l’automobile de La Française

 

En 1904, pour fraudes répétées, les quatre premiers dont Maurice Garin sont disqualifiés, quatre mois après l’arrivée et c’est le 5e de l’épreuve, le jeune Henri Cornet qui, sur le tapis vert, va remporter la deuxième édition de l’histoire. Mais, plus surprenant, on apprend du créateur du Tour, Henri Desgrange lui-même, que le Petit Ramoneur alias Maurice Garin, n’en était pas à son coup d’essai puisque sur la toute première Grande Randonnée de juillet : « Le gagnant de la 1re étape a fait toute la partie nocturne de la course sous la bâche de l’automobile de sa maison de cycles » (1) . Tout comme pour l’édition 1904, Garin doit-il être rayé du podium 1903 ? On peut imaginer que pendant les parcours nocturnes, les magouilles en tous genres devaient concerner l’ensemble des participants. Et que naturellement les premiers étaient beaucoup plus surveillés par les officiels. Au final, le classement est le bon, comme pour le dopage, puisque la triche étant inhérente à la nature humaine, le pourcentage des contrevenants proche de cent pour cent, ce qui revient à admettre que l’ensemble du peloton était sur un pied d’égalité.

 (1) Henri Desgrange. – La formule. – Paris, éd. L’Auto, numéro spécial, 1937. – 36 p (p 11)

 

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Maurice Garin – La Vie au Grand Air, supplément au n° du 31 juillet 1903

 

Rouler ‘‘au train’’ est une pratique autorisée mais prendre le train ne l’est pas

 La voiture n’est pas le seul moyen de transport des Forçats de la Route. C’est Robert Perrier, un journaliste spécialiste du cyclisme, qui raconte que quatre concurrents de la 4e édition roulent ‘’en’’ train et non ‘’au’’ train : « Les resquilleurs et les tricheurs ont été de tout temps. Et dans une épreuve de l’envergure du Tour de France, surtout aux premières années, il fallait un service d’ordre particulièrement actif pour empêcher toute manœuvre malhonnête. A ce moment-là, on ne se contentait pas de « becqueter de l’aile » ; certains n’hésitaient pas à faire des centaines de kilomètres en voiture… et il y eut à l’époque quelques scandales retentissants. Le plus joli est certainement celui qui se produisit en 1906. Quatre coureurs : Maurice Carrère, Henri Gauban, Julien Gabory et Gaston Tuvache n’y avaient pas été par quatre chemins. Entre Vesoul et Dijon, pour gagner du temps et ne pas se fatiguer, ils avaient pris tout simplement le train comme de joyeux touristes. Mais le chef de gare de Dijon était un sportif et nos quatre lascars en furent pour leurs frais, puisque Henri Desgrange les invita gentiment à emprunter la même voie ferrée pour rentrer à Paris ! » [Perrier R. .- En égrenant le chapelet des souvenir de vieux « Tour de France » .- Match L’Intran, 1930, n° 202, 22 juillet, p 17]

Philippe Pautrat est confondu par l’étiquette de la consigne

En 1911, le train est toujours proche de la route du Tour. C’est un dénommé Philippe Pautrat (a priori rien à voir avec la famille du journaliste) qui se fait mettre hors course pour avoir oublié d’enlever de son cadre l’étiquette de la consigne de la compagnie du chemin de fer français.

C’est l’excellent journaliste Roger Bastide, collaborateur de Sport Digest, qui nous raconte ce savoureux épisode de la saga du Tour : « Derrière les coureurs des grandes marques qui luttaient régulièrement pour la première place, venait le flot des coureurs isolés bouclant la Grande Boucle sans aide aucune … et comme ils pouvaient… Certains munis d’un bon indicateur Chaix n’ignoraient aucun des points où l’itinéraire de la course correspondait avec un passage de train.  Un isolé, Henri Anthoine, s’était même spécialisé auprès de ses camarades pour leur établir des horaires…Certain jour, les commissaires aperçurent, sur la ligne de départ, une étiquette qui pendait au cadre de la bicyclette d’un dénommé Philippe Pautrat.

Tiens, tiens ! Tu n’as donc pas effectué le parcours par la route ? s’écrièrent-ils, triomphants.

Et Pautrat ne put que pousser un soupir d’impuissance : il avait oublié en prenant sa bicyclette à la consigne… d’enlever l’étiquette de la gare ! » [Bastide R. .- Les bons tours du Tour .- Sport Digest, 1950, n° 20, juillet, pp 73-80 (p 73)]

Pendant la première moitié du XXe siècle, les routes ne sont pas revêtues ; les coursiers crèvent à profusion. De plus, des petits malins sèment des clous sur les routes afin de fausser la course au bénéfice de leur favori prévenu à l’avance des tronçons de route à risque. Ainsi, à l’attaque d’un col, voire dans l’ascension, l’auto de la marque d’une équipe ravitaille en boyaux un de ses leaders. Henri Desgrange, le patron du Tour, va autoriser ce ravitaillement en ‘’tubes’’ (nom des boyaux) à partir de 1925.

Le boyau-motorisé des années 1920

La photo jointe montre bien que le futur lauréat du Tour 1929, Maurice De Waele, dans la pente, s’arrime fermement au boyau tenu non moins solidement par le bras d’un assistant, passager de la voiture de son équipe.

Aujourd’hui, le bidon-collé a remplacé le boyau-motorisé.

 

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Tour de France 1929 – Le boyau-motorisé Le Miroir des Sports, 1962, supp. au n° 911, 4 juin,  10

 

 

 Gain marginal – Les motos devant mais aussi derrière peuvent favoriser les échappées 

Les engins à moteur dans les épreuves cyclistes sont susceptibles d’avantager les échappées par rapport au peloton. En raison de l’étroitesse des routes, il est plus facile à une moto et à son cameramen, pour filmer, de coller au dos des hommes isolés en tête. Or, une récente étude de l’Université technique d’Eindhoven aux Pays-Bas, vient de démontrer « qu’en poussant l’air qui se trouve juste devant elle, la moto crée en effet une zone de pression plus forte dans le dos du coureur qui lui permet à effort égal, d’augmenter sa vitesse. »

Depuis deux à trois ans, les courses professionnelles par étapes se terminent souvent avec quelques secondes d’écart entre le 1er et le 2e : Tour d’Andalousie 2014 (1 sec.), Paris-Nice 2017 (2 sec.). Par ailleurs, le travail des chercheurs néerlandais montre que lorsque la moto roule à côté d’un coureur, elle est susceptible de le ralentir car elle projette sur ce dernier des masses d’air pouvant ralentir sa trajectoire.

 Bidons-motorisés – La plaie du vélo du XXIe siècle

Pour en revenir à l’actualité 2017, il n’y a pas lieu de s’indigner bien davantage contre l’assistance motorisée que vis-à-vis du dopage biologique ; dans les deux cas on vole les concurrents respectueux des règles. La triche étant consubstantielle à l’homme, ce sont les gardiens de l’éthique (lutte antidopage, contrôles des machines et des coureurs, notamment à l’arrière du peloton) qui doivent être beaucoup plus stricts et performants. L’urgence est que l’UCI ‘’mette le paquet’’ dans ses différents départements de surveillance des hommes et des machines. Voir certains géants de la route propulsés sur des dizaines de mètres accrochés à des ‘’bidons motorisés’’ ou d’autres profitant de façon durable de l’abri de leurs voitures techniques, voire même quelques-uns s’agrippant à la portière pour ‘’discuter’’ alors que le chauffeur accélère intentionnellement, ne poussent pas les passionnés de vélo à s’enthousiasmer pour de telles pratiques toutes aussi répréhensibles que le dopage, ni plus ni moins.

 

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