Lutte antidopage internationale : constat de carence

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LA PREUVE PAR NEUF OU LA LABELLISATION PROPRE DES TRICHEURS TESTES NEGATIFS

sans-titre (3)    AMA

De Grenoble en 1968 à Sotchi en 2014, 38 816 tests antidopage ont été pratiqués. Ils ont révélé 150 cas positifs.

Qui peut sérieusement croire, en dehors des dirigeants sportifs internationaux, que seulement quatre athlètes sur mille sont dopés ?  [1]

En 2014, et contrairement aux discours rassurants du pouvoir sportif s’appuyant sur des statistiques trompeuses, la consommation de substances dopantes par les athlètes ne fait que croître et les méthodes utilisées pour tricher sont devenues de plus en plus performantes tout en étant très difficilement décelables.

DUBINRapport du juge indépendant Dubin, non médiatisé par le CIO et l’AMA

Le contrôle antidopage, seule arme des instances olympiques pour marginaliser le fléau qui s’étend bien sûr en dehors du monde sportif, n’est qu’un leurre faiblement dissuasif puisqu’il est toujours incapable – quarante-six ans après le début des premiers tests olympiques en 1968 à Grenoble et Mexico – de garantir l’absence de fraude. Le rapport du juge Charles Dubin, responsable de la « Commission d’enquête sur le recours aux drogues et aux pratiques interdites pour améliorer la performance athlétique », mise en place par le gouvernement canadien après la disqualification de Ben Johnson,

BEN JOHNSONBen Johnson, lauréat du 100 m des JO 1988 déchu pour test positif au stanozolol

le livre-témoignage de Charlie Francis l’entraîneur du sprinter déchu et le livre-document de Brigitte Berendonk, ex-athlète de RDA ayant eu accès aux dossiers secrets de la Stasi, ont confirmé, preuves à l’appui, que de nombreux podiums avaient été investis par des athlètes dopés.

CHARLE FRANCIS Le livre-témoignage de Charlie Francis, entraîneur de Ben Johnson

Mis à part les affidés du système, plus personne aujourd’hui ne croit que ces chiffres collent même de très loin à la réalité du dopage. De plus, il faut préciser qu’au sein de ce petit peloton des 150 sanctionnés olympiques, figurent quatre athlètes en traitement pour une affection respiratoire qui, aujourd’hui avec les seuils existants, ne seraient pas inquiétés et une cinquième bavure, encore moins admissible puisque le seul défaut de ce volleyeur japonais mis au banc de l’olympisme en 1984 à Los Angeles, était d’avoir naturellement un taux d’hormone mâle supérieur au « taux légal » du Comité international olympique (CIO). Ainsi, la lutte antidopage olympique et les multiples possibilités de se sublimer qu’elle tolère aboutit à neuf effets pervers principaux :

1 – La crédibilisation des sportifs dopés ou le « blanchiment » des médailles. Dès que l’athlète a obtenu son titre et subi le contrôle passoire, il se trouve ipso facto légitimé par le CIO. Dérive supplémentaire : on arrive au paradoxe aberrant que les athlètes spécialistes de la dope et suspectés d’en prendre, afin de couper court à la rumeur, réclament haut et fort des contrôles les plus perfectionnés possibles, sachant très bien que les risques de se faire épingler aux tests sont très faibles,

2 – L’avantage, face à la performance, des groupes d’athlètes encadrés financièrement et scientifiquement. Les substances et les procédés dopants coûtent chers et leur utilisation optimale nécessite le concours de spécialistes aguerris. Ainsi, les athlètes d’élite ont accès à toutes sortes d’informations, notamment quoi prendre et comment passer « la conscience tranquille » un test antidopage, mais les moins fortunés, qui n’arriveront pas à atteindre le même niveau, se retrouveront écartés des podiums par manque de subsides et de connaissances médico-biologiques.

3 – La suspicion du grand public à l’encontre de tout athlète réalisant un exploit. L’homme de la rue a de la peine à croire que l’on puisse être à la fois performant et « propre ».

4 – L’impossibilité pour l’athlète respectant l’éthique sportive de prouver qu’il ne prend rien. Le contrôle négatif étant toujours incapable d’affirmer l’absence de dope.

5 – L’extension du fléau se trouve particulièrement « sublimée » en raison de la quasi obligation de consommer « le fruit défendu » par ceux qui briguent les médailles olympiques et veulent devancer les « bien préparés ». Dans certaines spécialités sportives, les performances des dopés étant inaccessibles par des moyens naturels, il faut obligatoirement en prendre si l’on veut monter sur l’une des trois marches du podium. Dans ce loft de la performance, plus on tend vers le haut niveau, plus les manipulations biologiques se sophistiquent, plus la quête des médailles olympiques avec les retombées médiatiques et financières attenantes concourent à une véritable « grande école » de la triche. Cette dérive, loin d’être marginale, comme le CIO adepte de la méthode Coué, tente de le faire croire par médias-liges interposés – de grands entretiens leur sont accordés sans la moindre contradiction –  est copieusement encouragée par la présence chronique dans la liste rouge de nombreuses substances indécelables et donc sans risque de contrôle positif pour les consommateurs. Rappelons que parmi ces derniers, figure toujours l’ACTH, un secrétagogue de corticoïdes et d’anabolisants par la glande surrénale, connu depuis la fin des années 1960 et toujours consommé par les tricheurs à l’abri de tout risque de se faire épingler.

6 – La condamnation et la rétrogradation d’innocents qui, sans arrière-pensée de coup de pouce illégal, soignent un asthme, une grippe ou un refroidissement. A contrario, les pros de la dope savent ‘’se soigner’’ sans tomber dans le filet à larges mailles du contrôle.

7 – L’illusion de lutter efficacement contre le dopage en publiant des statistiques de cas positifs ridiculement faibles. Le maigre pourcentage de contrevenants épinglés ne traduit ni la peur du gendarme, ni les performances de la lutte des pouvoirs sportifs mais davantage une meilleure connaissance des substances indécelables et des programmes de préparation biochimique permettant  aux athlètes chasseurs de médailles, de podiums et de lauriers, de déjouer facilement les contrôles. Au total, s’il est parfaitement injuste de déclarer que «  tous les sportifs de haut niveau se dopent », en revanche il est licite d’affirmer qu’en dehors des fouilles de valise par la police et mis à part les imbéciles et les imprudents, « tous les sportifs peuvent se doper sans se faire prendre. »

8 – Dans l’espoir de rendre les tricheurs plus « timides », la peur du gendarme relayée par les ondes et les écrits, autrement dit la force de l’intox, fait partie intégrante de plus en plus de l’arsenal antidopage. Ainsi, on va annoncer à grand renfort médiatique qu’une nouvelle machine analytique « haute performance » va tout détecter – notamment les substances réputées indécelables –  alors qu’en réalité les responsables savent pertinemment qu’elle n’est pas encore au point ou encore que telle substance, par exemple l’hormone de croissance (hGH), est maintenant détectable alors que c’est faux en pratique. Signalons qu’aux derniers Jeux de Londres (2012) et Sotchi (2014), elle n’était pas recherchée.

9 – Résultats des courses : le pouvoir sportif étant incapable d’éradiquer, voire de maîtriser le fléau, préfère concentrer ses plus vives attaques contre ceux qui dénoncent le dopage et laisser en paix les dealers de tous poils (sorciers, gourous et médecins marron). En clair, on fait la guerre aux pompiers plutôt qu’aux pyromanes. C’est certainement beaucoup plus facile mais d’une nullité consternante.

Au total, l’inefficacité chronique de la lutte des pouvoirs sportifs et notamment du CIO et de l’Agence mondiale antidopage (AMA), nouvelle structure « indépendante » créée le 10 novembre 1999, aboutit au paradoxe pervers de faire l’apologie du dopage en récompensant des athlètes sublimés par la chimie. Où  est la différence morphologique entre les clones de Ben Johnson, les lauréats actuels des épreuves de sprint (100 et 200 m) et le Canadien vainqueur déchu du 100 m de Séoul en 1988 ?

Devant les performances exceptionnelles réalisées, visiblement inaccessibles pour un athlète normal et sain, tout le milieu sportif comprend que pour réussir, il faut tricher.

[Article écrit en mars 2014, après les JO de Sotchi]

[1] Sotchi : 2 453 tests pour 6 cas positifs = 0,24%

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