Le manque de professionnalisme de la lutte antidopage française

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[publié le 15 février 2017]

L’AFLD et le ministère des Sports devraient être sanctionnés pour leurs informations contradictoires.

 Depuis 1986, par étapes successives, la France se targue de mettre le paquet sur la prévention, notamment grâce à la collaboration du dictionnaire Vidal : en début d’ouvrage, liste indicative des spécialités pharmaceutiques françaises contenant des produits dopants et, pour chaque spécialité médicamenteuse renfermant un principe actif pouvant entraîner un contrôle positif, une mise en garde aux sportifs les informe de ce risque dans chaque Résumé des caractéristiques du produit (RCP) concerné.

Mais là où le bât blesse, c’est que depuis l’édition 2005 les informations concernant le dopage sont contradictoires entre la liste placée en tête du Vidal et les RCP de ce même dictionnaire.

Prenons pour exemple le Nasacort®, un spray nasal dont la composition comporte un glucocorticoïde, la triamcinolone, molécule inscrite dans la liste de l’Agence mondiale antidopage (AMA).

Sur la nomenclature du ministère des Sports, page 27, où sont listées les spécialités commençant par N, on constate l’absence du Nasacort®. En revanche, dans le RCP de la même spécialité, il est indiqué page 1865 : « L’attention des sportifs sera attirée sur le fait que cette spécialité contient un principe actif pouvant induire une réaction positive des tests pratiqués lors de contrôles antidopage »

Ces deux informations contradictoires page 27 et 1865, datant de 1998 et toujours présentes dans l’édition 2017 du Vidal, font pour le moins désordre, voire amateur !

Comment un médecin « lambda » et a fortiori un sportif peuvent-il comprendre un message dont la clarté n’est vraiment pas évidente ?

Ajoutons que la notice du médicament figurant dans le conditionnement (boîte) présente depuis 2005 les mêmes erreurs que celles des RCP du Vidal.

 Vidal 2017 : trois substances – caféine, phényléphrine et tétracaïne – sont prohibées par erreur !!!!!

 trois-subs

Liste des spécialités pharmaceutiques présentes dans le Vidal 2017 avec la mise en garde aux sportifs alors quelles ne sont pas considérées comme dopantes par l’AMA. Certaines ne figurent plus en liste rouge depuis… 2005

POST-IT

Contribution du dictionnaire Vidal à une meilleure connaissance des risques de contrôle positif

1986

Publication annuelle de la liste des substances prohibées dans le cadre des compétitions sportives (DCI) (nomenclature fournie par le ministère des Sports)

1989

Mention d’une mise en garde aux sportifs

Depuis le 7 septembre 1988, les fabricants de médicaments ont un an pour faire figurer sur la notice de leurs spécialités pharmaceutiques contenant des substances dopantes une mise en garde destinée aux sportifs. Le Journal officiel du 7 septembre publie un avis du ministère de la Santé par lequel il demande aux fabricants de spécialités pharmaceutiques contenant des substances susceptibles de rendre positifs les résultats des tests pratiqués sur des sportifs, lors de contrôle antidopage, d’ajouter sur la notice destinée aux utilisateurs, ainsi que dans la documentation destinée à l’information médicale une mise en garde ainsi libellée : « Sportifs, attention : cette spécialité contient un principe actif pouvant induire une réaction positive des tests pratiqués lors de contrôles antidopage ». Le Journal officiel publie ensuite la liste des produits touchés par cette obligation. Les produits sont classés par classes pharmacologiques : stimulants (les anorexigènes y figurent), narcotiques, stéroïdes anabolisants, bêtabloquants, diurétiques.

2001

Liste des substances prohibées dans le cadre des compétitions sportives. Elle figure au début du Dictionnaire et comporte à la fois le nom des spécialités et les DCI.

Depuis décembre dernier, le site du Vidal (Vidal.fr) a fait le ménage en actualisant les mises en garde aux sportifs sauf que pour les substances délivrées par ordonnance la mention n’est pas accessible au grand public.

On attend depuis l’édition papier 2005 que le Vidal soit en accord avec le Code mondial antidopage, ce qui n’est pas encore le cas avec la dernière édition sortie au début de l’année 2017.

Compte tenu des modifications récentes (décembre 2016) apparues sur vidal.fr, il est probable que le Vidal 2018 contiendra enfin les mentions exactes.

vidal-2018

A priori en 2018, le Vidal tirage papier sera enfin à jour

Dopage – Le Nasacort en question….

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[publié le 15 février 2017 – mis à jour le 17 février 2017]

Courrier de lecteur :

 Bonjour Dr de Mondenard

J’aurais juste une question à vous poser vis-à-vis du Nasacort. Est-ce que l’on peut suspecter ce médicament d’être utilisé à des fins de dopage, si oui à quelle concentration ?

Bien cordialement.

Dr JPDM – Le Nasacort® est un spray nasal renfermant de la triamcinolone acétonide, une substance appartenant à la famille des glucocorticoïdes. Ceux-ci :

–       sont interdits lorsqu’ils sont administrés par voie orale, intraveineuse, intramusculaire, rectale.

–       sont autorisés par inhalation et par voie auriculaire, ophtalmologique, nasale, dermatologique et anale.

Liste du ministère des Sports et RCP du Vidal : une différence qui interpelle…

 vidal

 Dans la réglementation officielle du ministère des Sports depuis sa mise sur le marché en 1998, le Nasacort® n’est pas mentionné en liste rouge ; en revanche dans le Résumé des caractéristiques du produit (RCP) pour le Nasacort®, le Vidal comporte toujours en 2017 la mise en garde présente dès le début de sa commercialisation :

L’attention des sportifs sera attirée sur le fait que cette spécialité contient un principe actif pouvant induire une réaction positive des tests pratiqués lors de contrôles antidopage.

 Dans le même dictionnaire Vidal, depuis 1986, figure au début de l’ouvrage une liste des substances prohibées. Le Nasacort® n’y est pas mentionné.

Liste indicative des spécialités pharmaceutiques françaises contenant des produits dopants. Etablie en collaboration avec le ministère des Sports d’après la liste 2017 des substances et méthodes interdites, approuvée par le comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Mise à jour du 1er décembre 2016

 Réglementation AMA : un seuil à 30 ng/ml depuis 2005

Ce défaut de coordination pousse au crime car le tricheur, fort de l’absence en toutes lettres du Nasacort® dans la liste va le consommer sans restriction. Il faut ajouter que l’Agence mondiale antidopage (AMA) en 2005 a établi pour les glucocorticoïdes un seuil de 30 ng/ml. Cela signifie que le médicament est autorisé seulement si le sportif l’utilise conformément au résumé des caractéristiques du produit (indications, posologie/mode d’administration…). Dans le cas contraire, tout sportif est passible d’une sanction disciplinaire dès lors que le résultat analytique d’un prélèvement urinaire réalisé lors d’un contrôle antidopage révélerait une concentration supérieure à une valeur-seuil – ici 30 ng/ml – établie par l’Agence mondiale antidopage. Le seuil a été déterminé afin de ne pas sanctionner ceux qui se soignaient avec des préparations locales. Normalement, le sportif traité à la bonne posologie par Nasacort® suspension pour pulvérisation nasale n’atteint pas 30 ng/ml.

Pour mémoire, au tournant des années 1998-2004 avant l’instauration du seuil, les sportifs ‘’feintaient le contrôle’’ de la façon suivante.

‘’L’expert’’ Philippe Gaumont

 gaumont

 C’est Philippe Gaumont qui en témoigne dans Le Monde du 15 mars 2004 :

« Il n’y a pas de produits masquants, seulement des « ordonnances masquantes ». Pour la cortisone ou les corticoïdes, il suffit d’avoir une bonne justification thérapeutique pour que les contrôles positifs deviennent négatifs. Voilà comment ça se passe : le médecin de l’équipe t’envoie voir un allergologue, c’est obligatoire. Celui-ci constate que tu es sensible aux acariens et te prescrit un spray. On avait la consigne à chaque fois de demander à tout prix du Nasacort® (triamcinolone acétonide). Pourquoi ? Car c’est un spray qui permet de masquer la cortisone. Quand on va au contrôle, on déclare qu’on est allergique aux acariens, qu’on a une prescription de Nasacort® et qu’on en a pris le matin par voie nasale. Et à côté, on a pu se faire tranquillement une injection de Kenacort® retard (produit interdit contenant lui aussi de la triamcinolone acétonide) car, au contrôle, on ne sait pas faire la différence entre le spray et l’injection.

Ensuite, le médecin t’envoie vers un dermatologue. Tu te grattes un peu les testicules avec du sel pour lui montrer que tu as des rougeurs et il te prescrit six mois de Diprosone® (bétaméthasone) en pommade. Comme ça, derrière tu peux te faire du Diprostène® (interdit, contenant lui aussi de la bétaméthasone) en injectable sans risquer non plus d’être positif. »

Pour augmenter la confusion, le site de l’AFLD précise bien que le produit Nasacort® peut entraîner un résultat positif.

afld-nasacort

Site Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), 15 février 2017

Décryptage

–       Le Nasacort® contient de la triamcinolone glucocorticoïde pouvant entraîner un contrôle positif.

–       Le Nasacort® est autorisé par pulvérisation nasale car si l’on suit correctement la posologie, on ne doit pas dépasser le seuil urinaire qui est de 30 ng/ml.

–       Néanmoins, lorsqu’on pratique des spécialités sportives à fortes contraintes thermiques avec déshydratation importante (cyclisme, marathon, boxe…) et que le test antidopage a lieu dans l’environnement immédiat de l’épreuve, en raison de la densité urinaire élevée, l’athlète peut dépasser le seuil de 30 ng/ml sans qu’il ait forcé, dans un but de dopage, sur la dose de Nasacort®.

Vous le comprendrez facilement, pour des raisons éthiques, il ne m’est pas possible de répondre à la derrière partie de votre question.