[publié le 23 février 2017]
COMMENTAIRE DE LECTEUR :
Le 18 février 2017, j’avais réagi à une ‘’énorme vanne’’ de L’Equipe publiée deux jours auparavant qui attribuait à Lance Armstrong la victoire au Mont-Ventoux, le 13 juillet 2000, alors que c’était Marco Pantani qui avait franchi la ligne le premier. Dans le même texte du quotidien sportif, le journaliste mettait en exergue la vitesse de jambe de l’Américain. Dans mon blog, j’avais rappelé qu’au décours des années 1950, Charly Gaul tournait ses bielles à une cadence identique au natif de Plano (Texas).
Un lecteur a commenté cet article paru dans mon blog le 16 février et titré : Le Grand bêtisier XXL de L’Equipe continue.
Voici son annotation critique : « 110 tours minute avec 3,95 m de développement, ça fait du 26 km/h. Charly Gaul serait donc allé plus vite que Contador et Schleck dans le Galibier. Encore de la ‘’légende’’ du Tour de France. »
Je ne suis pas sûr que dans un col tel que le Galibier (2 556 m d’altitude au passage du tunnel) sur une distance de 34 km depuis Saint-Michel-de-Maurienne (versant Nord : le plus utilisé par les géants de la route du Tour), avec une pente moyenne à 6,6%, pour un supergrimpeur du calibre de Charly Gaul, il ne lui était pas possible de rouler à 26 km/h sur des portions prolongées et non en continu alors que l’ascension totale du géant alpin présente, intercalée, une descente de 4 km avant Valloire.
Charly Gaul à l’aise au sommet du Galibier devance ses poursuivants de 15’ 55’ – Le Miroir des Sports, 1955, n° 524, 18 juillet, p 5
Plus d’un quart d’heure dans la vue
En 1955, au sommet du géant, le Luxembourgeois a atomisé ses adversaires qui passent avec un débours de 15 mn 55 et plus. Parmi eux, on trouve tous les cadors du peloton : Louison Bobet, Ferdi Kubler, Jan Brankart, Raphaël Géminiani, Gilbert Bauvin….
Les poursuivants de l’Ange de la Montagne sont à la peine – Le Miroir des Sports, 1955, n° 524, 18 juillet, p 9
Les passages au Galibier le 14 juillet 1955
Bien sûr, je n’étais pas présent dans les voitures suiveuses mais je pense que l’Ange de la Montagne portait bien son surnom lors de la 8e étape Thonon-les Bains – Briançon le jeudi 14 juillet.
Moyenne horaire 1955 versus 2011 : avantage Gaul
Par ailleurs, si on compare la moyenne horaire de l’étape remportée en 1955 par Gaul (253 km pour un temps de 7 h 42’ 55’’, soit 32,792 km/h), sur le Tour 2011 où sont réunis Andy Schleck et Alberto Contador pour la 18e étape Pinerolo-Galibier-Serre-Chevalier (21 juillet), les chiffres sont voisins : 200,5 km ; 6 h 07’ 56’’ soit 32,696 de moyenne.
En 2011, rebelote le lendemain, le Galibier est encore au menu. Mais là, sur une étape beaucoup plus courte – 109,5 km – avec un mano a mano Andy Schleck-Alberto Contador, on constate que la moyenne 33,963 km/h n’a rien d’exceptionnelle. En tout cas, elle ne démontre pas que Gaul était inférieur aux deux supergrimpeurs du Tour 2011.
Profil établi pour le Tour 2011
La légende tenace martelée par les plumitifs actuels sur les dopages dérisoires des années 1950 à 1980
Compte tenu des vitesses moyennes enregistrées à 56 ans d’écart, on peut aussi balayer d’un revers de main la croyance erronée de la presse actuelle : « qu’avant les dopages étaient dérisoires, les exploits énormes. Que penser de ce dopage devenu énorme, de ces exploits dérisoires ».
Mis à part « les carencés en neurones », qui peut croire cette fable que le dopage des années 1960 était dérisoire et celui des années 2010 atomique ?
Grâce à la presse sportive, la langue de bois a de beaux jours devant elle.
POST-IT (1)
Les faits listés ci-dessous en sont la preuve ; Gaul était meilleur que Schleck et Contador. En 1955, les ingrédients techniques de la performance sont en défaveur de l’Ange de la Montagne et pourtant il va aussi vite que ses successeurs, plus de cinq décennies après :
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POST-IT (2)
Autres témoignages sur la vitesse de jambe du lauréat du Tour 1958 :
1 – Témoignage de Robert Chapatte : (épreuve ’’Provinces du Sud-Est’’ 1955) : « Dès lors pour le Luxembourgeois, le verdict du Ventoux désignerait le vainqueur et la victime. Pour lui, ce jugement ne laissait aucun doute. Il ne fut pas déçu. Grimpant dans son style très personnel – un style inédit en matière d’escalade – moulinant des petits braquets, mains en bas du guidon, le plus souvent « en danseuse », Charly Gaul écrasa tous ses poursuivants dans l’ascension, augmenta l’écart dans la descente et sans perdre la moindre minute, sur les 40 km de plat entre Bédouin et Avignon, résista à la chasse menée tambour battant par ses victimes regroupées. » [Route et Piste, 25.05.1955]
2 – Témoignage de René de Latour du Miroir des Sports : « Charly Gaul ne donne pas l’impression de s’employer davantage. Ses escalades s’effectuent dans une apparente facilité. Sa cadence ravirait Charles Faroux, le grand théoricien de la mécanique qui est un adversaire déterminé des cadences cyclistes inférieures à 120 tours minute, quel que soit le terrain. C’est que Gaul se refuse à pousser en force. Tout en lui est souplesse. Ses développements sont inférieurs à ceux de ses adversaires et la grâce de son style s’en dégage nettement. C’est sans doute la raison pour laquelle alors que la carrière des grimpeurs est généralement brève, sa supériorité doit s’affirmer pendant encore de longues années. » [Le Miroir des Sports, 1956, n° spécial avant Tour, supplément au n° 570, p 15]
L’Equipe, 15 juillet 1955
Je pense que Gaul c’est le plus grand des grimpeurs, il a enchanté ma jeunesse, moi et tant d’autres. On ne voit plus de tels exploits aujourd’hui, mais bien des choses ont changé
lors de la 8ième étape du tour 55, ce n’est pas dans le galibier que gaul creuse l’écart de 15 minutes sur ses poursuivants, mais dans le col des aravis et dans la longue portion plate qu’il fait avec le rouleur jan nolten … lorsque les deux échappées arrive au pied du col du télégraphe, l’écart avec le peloton était déjà proche d’un quart d’heure. une vidéo de cette étape mythique est disponible sur le site ina.fr .
Tour de France 1955 et la démonstration de Charly Gaul lors la 8e étape Thonon-les-Bains – Briançon, sur 249 km le 14 juillet
LECTEUR : Lors de la 8e étape du Tour 55, ce n’est pas dans le Galibier que Gaul creuse l’écart de 15 minutes sur ses poursuivants, mais dans le col des Aravis et dans la longue portion plate qu’il fait avec le rouleur Jean Nolten … lorsque les deux échappées arrive au pied du col du Télégraphe, l’écart avec le peloton était déjà proche d’un quart d’heure. Une vidéo de cette étape mythique est disponible sur le site ina.fr .
Réponse au commentaire du lecteur
J’avais comparé la vitesse moyenne du Luxembourgeois avec celle de ses successeurs Andy Schleck et Roberto Contador en 2011.
Les chiffres, à 56 ans d’écart, étaient très proches, démontrant que les ‘’soins’’ dans les années 1950 n’avaient pas grand-chose – au plan de l’efficacité – à envier un demi siècle plus tard, à ceux pratiqués par les cadors du peloton.
Pour répondre directement au lecteur, je tiens à signaler les écarts successifs de Gaul au cours de cette 8e étape :
– Col des Aravis (78e km) 4’ 10’’ (avec Jean Nolten)
– St-Jean-de-Maurienne (172e km) 13’ (avec Jean Nolten)
– Galibier (220e km) 15’ 55’’ sur son premier poursuivant Antonio Gelabert. Nolten passera avec un retard de 17’
A aucun moment dans mon texte, je n’avais indiqué que la différence s’était faite dans le seul Galibier mais que le Luxembourgeois était passé entête du Géant alpin avec 15’ 55’’ d’avance sur le reste du peloton plus ou moins dispersé « façon puzzle ».
“Depuis ce jour de juillet 1955, très franchement, je n’ai jamais vu en montagne un coureur rouler si vite et si facilement sur un vélo. Et lorsqu’on me demande de définir d’un mot le coureur Charly Gaul, je réponds invariablement : “irréel”.
Jean Bobet dans le libvre “L’Ange de la montagne et son époque” (1988)