Retour sur une histoire marseillaise racontée à 18 ans d’écart par Bernard Tapie en 2004 et Basile Boli en 2022. Entre les duettistes, tous les faits sont différents. En fait, il est probable que l’opération élimination nocturne du coach s’est renouvelée à plusieurs reprises.
Dans L’Equipe du 18 novembre, Yohann Hautbois, journaliste au quotidien sportif, écrit deux pleines pages sur le parcours déterminant de l’entraîneur belge Raymond Goethals sur les performances du Club Marseillais face à l’AC Milan dans la Coupe d’Europe des clubs champions.
Raymond Goethals et Bernard Tapie
Première version en direct sur Paris Première
Visiblement, le journaliste est un néophyte puisqu’il nous ‘’vend’’ une histoire que lui a raconté Bernard Tapie en off et que ce dernier « nous a fait promettre de ne pas raconter » ajoute Hautbois. Or, cette fable a déjà été relatée par Bernard Tapie lui-même en direct sur la chaîne de télévision Paris-Première le 16 mars 2004 à 22 h 25.
Dans mon ouvrage « Dopage dans le football : la loi du silence » paru en 2010, dans un chapitre consacré à « Tapie, l’OM ou la bonne alchimie », j’avais déjà décrit et commenté cette Tapinade sans garantie que les faits rapportés en direct par BT à la TV soient authentiques.
Dr JPDM – Dopage dans le football. – Paris, éd. J.C. Gawsewitch, 2010. – 379 p (pp 85-86)
Le ‘’matos’’ destiné aux joueurs selon Bernard Tapie
Yohann Hautbois. – Raymond ramène sa science – L’Equipe, 18 novembre 2016
Un seul match dans la semaine…
Entre la version en direct de 2004 sur Paris-Première et celle de L’Equipe du 18 novembre 2016, on constate que l’ex-boss de l’OM souffre de trous de mémoire à répétition.
En effet, lorsqu’il explique au journaliste du quotidien sportif que « l’affaire se passe au cœur d’une semaine chargée pour les Phocéens avec trois matches à jouer tous à l’extérieur dont le dernier à Paris, Tapie décide pour éviter la fatigue que le groupe ne rentrera pas à Marseille. »
En réalité, les trois matches concernés se sont déroulés sur douze jours : le 29 mai (finale de la Coupe d’Europe contre l’Etoile Rouge), le 02 juin (1/2 finale de la Coupe de France contre Rodez) et le 08 juin (finale de la Coupe de France contre Monaco). Ce qui fait une semaine d’intervalle entre les deux derniers matches.
Autre différence beaucoup plus éclairante sur les capacités mnésiques de l’ancien ministre de la ville, le nom du médicament introduit en douce dans la purée de Goethals change entre les deux versions. Le comprimé de Tranxène® de 2004 devient en 2016 du Valium® avec une nuance supplémentaire : le médecin de l’OM est dans le coup ! Ajoutons que ces deux produits sont des benzodiazépines dont l’indication thérapeutique principale est l’anxiété et non l’induction du sommeil, même si dans les effets secondaires on enregistre des troubles de la vigilance.
En 12 ans, le Tranxène® se transforme en Valium®
Rappelons que ces deux médicaments, en 1991 date des faits, appartiennent à la liste I, nomenclature des produits toxiques (ex-tableau A) du marché. L’un comme l’autre comportent des contre-indications, des mises en garde, des précautions d’emploi. L’âge du patient et l’état des reins peuvent augmenter l’efficacité et donc les risques. Par exemple, ce genre de molécule peut provoquer une perte d’équilibre avec des risques de chutes potentiellement graves. Tout le monde sait, mis à part ses affidés, que Tapie est un drôle de voyou. Connaissant le personnage avec toutes les casseroles qu’il trimballe, il n’est pas sûr que l’histoire soit vraie à simplement… 25% !
Mais que dire du journaliste qui gobe ce qu’on lui raconte sans vérifier ? Dernière réflexion : j’ose espérer que le médecin de l’OM n’était pas complice de cette mise en danger de la vie d’autrui !
Rappelons-nous le fait divers de ce père d’un joueur de tennis qui avait mis du Tranxène® dans la bouteille de l’adversaire de son fils et qu’après le match perdu, en reprenant sa voiture, ce jeune concurrent en avait perdu le contrôle et s’était tué. Le père avait été condamné à plusieurs années de prison.
POST-IT
D’une version à l’autre (2004 – 2016)
En 2004, Bernard Tapie raconte l’histoire probablement très romancée en direct à la télévision, mais
L’OM n’a pas joué – en huit jours – trois matches à l’extérieur
Les joueurs étaient rentrés à Marseille entre la ½ et la finale de la Coupe
Le médicament anxiolytique utilisé, le Tranxène® (qui n’était pas un somnifère), 12 ans plus tard est devenu le Valium®
Dans la première version, Tapie fait la manipulation tout seul. Dans celle de 2016, il est aidé par le toubib de l’OM.
Durant sa carrière de joueur, l’actuel sélectionneur des bleus a été confronté à plusieurs reprises aux rumeurs de consommation de ‘’pilules et seringues haute performance’’. A l’OM de Bernard Tapie où de 1991 à 1994 a joué Deschamps, plusieurs témoignages font état de la médicalisation de l’effort pas forcément avec des substances licites : Tony Cascarino, Chris Waddle, Jean-Jacques Eydelie, Marcel Desailly…
A la Juventus Turin où Trois Pommes (surnom dû à Aimé Jacquet) a exercé de 1994 à 1999, des anomalies sanguines sont venues jeter un doute maximal sur les pratiques médicales de la Vielle Dame (281 substances différentes retrouvées dans la pharmacie de la Juve destinées pour la plupart à soigner la performance).
Deschamps a avoué seulement qu’il avait pris de la créatine pendant… deux mois. La belle affaire ! Il ne prend aucun risque de mise à l’index puisque ce complément alimentaire n’a jamais été listé dans le Code mondial antidopage (CMA).
Afin de vous faire une opinion sur le personnage confronté aux questions qui fâchent, nous vous proposons une dizaine de réponses de Maxitête (autre surnom de Deschamps). La première concernant le refus de serrer la main de Jacques Glassman, qui n’a rien à voir avec le dopage, mais montre sans l’ombre d’un doute le peu de respect que La Dêche a vis-à-vis de ceux qui refusent la triche.