Pourquoi la lutte antidopage hippique interdit-elle toutes les substances en considérant qu’un cheval malade ou blessé – le temps d’être soigné – reste au pré ou à l’écurie et ne peut reprendre la compétition que lorsqu’il n’est plus sous traitement et que les substances médicamenteuses ont été éliminées ?
Chez l’homme, dans le cadre d’une compétition, il est possible de prendre des produits dopants pour traiter des affections aussi banales que tendinites (infiltration de glucocorticoïdes), irritation bronchique, inflammation cutanée, etc.

Les sœurs Williams
Les sœurs Williams citées par les hackers ‘’russes’’ mais avec elles de nombreux autres sportifs ayant participés aux jeux de Rio en août dernier, sont ‘’dénoncés’’ comme ayant des autorisations d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) permettant l’usage légal de corticoïdes lors des compétitions. En dehors des AUT, ces substances font partie de la liste rouge. Il y a une forte probabilité que les deux sisters des courts aient lu la biographie d’André Agassi « Open » parue en 2009 et comportant de nombreux passages où le King de Las Vegas explique en long et en large le soutien inestimable de ces substances, à la fois anti-inflammatoires puissantes et euphorisantes.

éditions Plon, 2009
A l’époque de la carrière d’Agassi les corticoïdes ne sont pas interdits ni recherchés par les instances du tennis, donc il n’est pas nécessaire d’obtenir des AUT. En 2004, l’Américain ne manque pas d’air pour glorifier la lutte antidopage sur les courts : « Une des choses que l’on peut dire, c’est que notre sport est à la pointe – ou l’un de ceux les plus à la pointe de la lutte contre le dopage. Je suis certain grâce aux contrôles antidopage de l’ATP que les performances de mes adversaires ne sont pas améliorées par des produits interdits. Je suis persuadé de jouer contre des gens clean. » [Associated Press, 13.01.2004]
Agassi et le dopage – Un spécialiste des médications de soutien prohibées
Une contamination accidentelle aux amphétamines
En novembre 2009, à l’occasion de la sortie de sa biographie ‘’Open’’, André Agassi, le lauréat de huit titres en Grand Chelem, fait des aveux a posteriori d’un contrôle positif à la métamphétamine, un stimulant, lors d’un tournoi en septembre 1997. L’ATP accepte « l’excuse-bidon » d’une contamination à son insu du joueur américain. Il n’a pas eu la moindre sanction ou même une simple réprimande.
Des injections de corticoïdes ‘’en rafale’’
« La négociation tourne largement autour du coup de fouet, une injection de cortisone qui calme momentanément la douleur. Mais avant que le coup de fouet fasse effet, il provoque lui aussi ses propres souffrances. J’ai reçu une de ces piqûres il y a quelques jours, je serai donc capable de jouer ce soir. C’était la troisième injection cette année, la treizième de ma carrière et de loin la plus inquiétante. » (p 13)
« C’est à peine si je peux tenir un téléphone, alors une raquette ! Pourtant j’ai envie d’y aller (…) Et puis j’ai un titre à défendre. Je n’ai pas le choix. Juste avant de partir, Gil Reyes prend un rendez-vous chez un médecin réputé être le meilleur de Seattle, pour qu’il m’administre de la cortisone. L’injection fait de l’effet. Je débarque en Europe capable de remuer le poignet sans douleur. » (p 228)
« Au cours des derniers mois, Gil a durci ma préparation physique. Il m’a fait subir un régime de guerrier spartiate et je me sens affuté comme une lame de rasoir. J’ai aussi droit à une piqûre de cortisone, ma troisième de l’année. Il est recommandé de ne pas en dépasser quatre par an. Il y a des risques, préviennent les médecins. On ne connaît pas les conséquences à long terme de la cortisone sur la colonne vertébrale et le foie. Mais je m’en fous. Du moment que mon dos se tient à carreau. » (p 467)
« Au premier jour, je joue contre le Roumain Andrei Pavel. Mon dos m’agrippe à la moitié du match, mais même sir je dois me tenir raide comme une baguette, j’arrive à me dégoter une victoire. Je demande à Darren Cahill de prendre les dispositions pour une injection de cortisone le lendemain. Malgré cette piqûre, je ne sais pas si j’arriverai à disputer mon prochain match » (p 483)
Au moment de sa retraite, Agassi – non sans humour – envisage d’appeler son futur chien Cortisone ! « Pour les enfants, la retraite est synonyme d’animal domestique. Nous leur avons promis, Stefanie Graff et moi, que lorsque je cesserai l’entraînement et que nous ne courrons plus à travers le monde, on achètera un chien. On pourrait peut-être l’appeler Cortisone. » (p 15)
Ce n’est pas sûr qu’il ait tenu sa promesse de donner le nom de cortisone à son cabot !
Dans les ouvrages médicaux sérieux respectant le serment d’Hippocrate, à aucun moment il n’est signalé dans les indications thérapeutiques de la cortisone qu’elle doit être absorbée ou injectée dans l’environnement immédiat de l’effort ou dans un but de performance.
Dès 1980, le Comité international olympique avait déjà ‘’injecté’’ le ver dans le fruit en tolérant les injections d’anesthésiques locaux ou de glucocorticoïdes « seulement dans le but de permettre à l’athlète de poursuivre la compétition ». En 1998, j’avais souligné dans la revue Sport et Vie cette carence du CIO et de sa commission d’analphabètes du corps.

Sport et Vie, 1998, n° 48, mai-juin, p 27
POST-IT
La comparaison avec la lutte antidopage exercée dans le sport hippique où la quasi-totalité des médications sont prohibées en compétition (je le répète : on peut et doit soigner les chevaux en dehors des courses) n’est pas hors sujet. Cette réglementation très stricte n’a qu’un but : préserver la santé des chevaux.
Cette différence d’objectif avec les hommes (AUT = autorisation de tricher et de se doper) montre bien que l’amélioration de la race humaine n’est pas la préoccupation du Comité international olympique.
Signalons que dès 1906, et même avant, le leitmotiv de la Société des courses se concentre sur la santé des quadrupèdes. C’est ce que nous explique le journaliste Fernand Bidault dans La Vie au Grand Air : « L’amélioration de la race chevaline nous intéresse beaucoup plus qu’une amélioration semblable de la race humaine. La constatation d’un record suffit à notre bonheur. Et il est logique que la descendance des athlètes à deux pieds ne soit pour nous l’objet d’aucune étude, puisque nous n’y attachons aucun prix. » [La Vie au Grand Air, 1906, n° 423, 27 octobre, p 790]
Les chevaux mieux soignés que les hommes
Gustave Barrier (FRA), inspecteur général des Ecoles vétérinaires : « Il faut combattre le ‘’doping’’, non tant parce que c’est une manœuvre déloyale qui fausse le résultat des courses, que parce qu’il constitue un danger pour le cheval qui le subit, et porte atteinte à l’intégrité de ses aptitudes génésiques, s’il doit être ultérieurement utilisé comme reproducteur. » [Congrès hippique, 19.06.1913]
Jean-Philippe Bouchard (FRA), journaliste à France Football : « Si la prise de conscience – récente et médiatique – au sujet du dopage s’amplifie, le monde du sport va se trouver confronté à une alternative qu’il n’avait pas réussi à ignorer jusque-là : bannir réellement le dopage ou l’officialiser. Refuser le dopage, comme tous les bons sentiments l’exigent, c’est d’abord tenter de le détecter. C’est loin d’être le cas. Aujourd’hui, les moyens de détection chez les chevaux sont plus importants que chez les hommes. » [Marianne, 10.11.1997]
Dr Stanislas Burstin (FRA), médecin fédéral de la FFF : « On est frappé de stupeur à l’idée de l’inertie face au dopage, des athlètes, comparée à la sévérité des mesures et à l’efficacité du contrôle des courses de chevaux. » [France Football Officiel, 26.07.1960]
Daniel Courtot (FRA), laboratoire de toxicologie de l’école vétérinaire de Lyon : « Faire effectuer à un cheval une épreuve alors qu’il serait dans l’impossibilité de concourir sans l’aide d’anesthésiques locaux pour masquer une boiterie, est un procédé dangereux. En effet, l’origine de cette boiterie peut être une lésion dont la gravité ne peut que s’accroître à la suite d’un effort physique. » [Daniel Courtot. – le dopage chez le cheval. – Paris, éd. André Leson, 1977. – 59 p (p 33)]
Dr Georges Maylin (USA), professeur associé de toxicologie à l’Université Cornell (USA) : « Les hommes serviraient la plupart du temps de “cobayes” dans l’utilisation des drogues avant qu’elles ne deviennent d’un usage courant dans les courses hippiques. » [L’Équipe, 03.01.1981]

Test de la fonction cardiorespiratoire chez un cheval à l’effort