En revanche, un basketteur indien – Satnam Singh Bhamara ayant exercé en NBA – testé positif à la même molécule, est mis à la porte des parquets pendant deux ans, jusqu’au 18 novembre 2021.







Selon l’UEFA et ses médias-liges, l’higénamine retrouvée dans les urines du footballeur international français Mamadou Sakho était autorisée par l’Agence mondiale antidopage (AMA). C’est bien sûr de la désinformation. On en a l’habitude avec les instances sportives et une certaine presse complice.
L’Equipe, 21 avril 2017 L’Equipe, 22 avril 2017
Une fois de plus, le monde du sport nous ‘’gonfle’’ et particulièrement les instances du football. L’UEFA au lieu de polémiquer devrait assumer son rôle de prévention en informant sérieusement la planète foot car l’higénamine soi-disant autorisée en mars 2016 figure depuis le 1er janvier 2017 en toutes lettres dans la liste des substances illicites. C’est donc bien un produit dopant. Mais en pratique, avant d’apparaître nominativement dans la nomenclature des produits prohibés, quelles sont les règles qui régissent les nouvelles drogues facilitant les performances ?
POST-IT
Depuis la publication en 1968 de la première nomenclature du CIO et afin d’anticiper sur la mise sur le marché officiel ou non d’une substance inédite non encore listée par les instances antidopage, il est ajouté après chaque famille de produits illicites la mention ‘’ainsi que les substances dérivées’’. Cela implique pour chaque nouveau traitement ou complément alimentaire non sécurisé par la norme AFNOR (garantit la légalité du produit), que le sportif consulte obligatoirement l’un des médecins (club, Fédération, équipe de France, commission antidopage…) habilité à répondre à la question : autorisé ou interdit ?
Dans le doute, le médecin sollicité pourra se renseigner auprès du comité-liste de l’AMA.
1968 – Dès la première liste du Comité international olympique (CIO), il est indiqué une classe groupant les amines sympathicomimétiques, par exemple éphédrine et substances dérivées. A l’époque, l’higénamine qui a des effets similaires n’existe que dans la nature et non dans un complément alimentaire.
1978 – Liste CIO
Le groupe B de la liste du CIO englobe les amines sympathicomimétiques tels qu’éphédrine. En 1978, une liste complémentaire est publiée. Elle comprend l’isoprénaline et substances apparentées. Or, les bêta-2-agonistes comme le salbutamol ou la terbutaline sont des dérivés de l’isoprénaline. Ces dernières substances, en dehors des aérosols, sont considérées comme dopantes par la réglementation olympique même si elles ne sont pas citées nommément. L’higénamine a des effets similaires aux bêta-2-agonistes.
2004-2016 – Liste AMA
L’Agence mondiale antidopage devient seule responsable de la rédaction de la liste des interdictions. Les bêta-2-agonistes émargent à la section S6 et sont tous interdits en et hors compétition par voie systémique (générale). En 2005, de la S6, ils passent à la S3 avec une prohibition couvrant à la fois l’entraînement et la compétition.
2017 – Liste AMA
Les bêta-2-agonistes (stimulants) appartiennent à la section S3 (interdits hors et en compétition) mais nouveauté sont listés nominativement. Ainsi, l’higénamine apparaît en troisième position.
Sauf : salbutamol, formotérol et salmétérol inhalés – Liste AMA 2017
POST-IT
Toutes les instances du monde sportif : UEFA, FIFA, FFR, LNR, veulent montrer qu’elles luttent avec pugnacité et efficacité contre le dopage alors qu’en réalité elles font tout pour ne sanctionner personne.
Rappelons les faits : le 17 mars 2016, le vice-capitaine des Bleus est contrôlé positif à un fat burner (brûleur de graisse) à la suite de la rencontre Liverpool (son club) – Manchester United (1-1) en huitième de finale retour de la Ligue Europa. Le 23 avril, la radio RMC révèle que le défenseur français de Liverpool aurait consommé un brûleur de graisse dont il ne connaissait pas la composition « dans un intérêt purement personnel et thérapeutique afin d’éliminer sa masse graisseuse ».
Le joueur, dans un premier temps, est suspendu provisoirement par Liverpool, d’un commun accord, en attendant « des examens complémentaires ». Dans la foulée, l’UEFA s’empare du dossier et le suspend à titre conservatoire pour 30 jours jusqu’au 28 mai dernier. Premier effet collatéral de cette bourde : Didier Deschamps ne le sélectionnera pas pour l’Euro. Le 8 juillet, deux jours avant la finale perdue par la France (0-1) contre le Portugal, la commission de discipline de l’UEFA blanchit Sakho de son contrôle positif et dans un communiqué justifie ses motivations : « Après audition des avocats du joueur, des experts de laboratoires agréés par l’Agence mondiale antidopage (AMA) la commission de contrôle, d’éthique et de discipline a décidé de classer le dossier. »
De nombreux éléments montrent que l’instance européenne du foot s’assoit sur les faits.
– Le produit incriminé – l’higénamine, un bêtastimulant brûleur de graisse est détecté dans les urines de Sakho. Si le laboratoire antidopage de Cologne (Allemagne) sollicité par l’UEFA à fins d’analyses transmet un procès-verbal de test positif c’est que le produit obligatoirement fait partie de la liste sinon il ne l’aurait pas mentionné dans son rapport. De plus, le laboratoire allemand a pris la précaution de questionner le comité liste de l’AMA pour savoir si la substance était bien interdite. Devant la réponse affirmative de l’instance mondiale, le laboratoire de Cologne a transmis à l’UEFA le rapport sur le test positif de Sakho.
– Le 12 février 2016, donc un mois avant le test non-négatif de Sakho, le défenseur des Reds, l’Organisation nationale antidopage de Wallonie (ONAD) mettait en garde les consommateurs :
– « Higénamine : attention, faux ami
L’higénamine (ou norcoclaurine), composante de compléments alimentaires, fait partie de la liste des substances interdites. Prudence. Non, un produit d’origine naturelle n’est pas forcément sans dangers. C’est le cas de l’higénamine ou norcoclaurine, un composant chimique naturel, extrait de plantes et utilisé dans la composition de compléments alimentaires. Ce composant est un bêta 2 agoniste et peut être dangereux pour votre santé. C’est pourquoi il fait partie de la liste des substances et méthodes interdites. En consommer est donc un fait de dopage. Nous vous rappelons de rester vigilant lors de l’achat et de la consommation de tout complément alimentaire. » Commentaire de l’ONAD du 12 février 2016.
Donc l’higénamine est bien un produit prohibé connu comme tel par des instances antidopage et ce avant le match Liverpool-Manchester United du 17 mars 2016.
– Par ailleurs, même si la substance n’est pas listée nominativement, il n’y a aucun doute sur son classement parmi les dopants. En effet, à propos des stimulants, il est précisé dans la nomenclature établie par l’AMA depuis 2004 que sont interdites une bonne soixantaine de molécules mais aussi « d’autres substances possédant une structure chimique similaire ou un (des) effet(s) biologique(s) similaire(s). »
C’est le cas de l’higénamine, un bêta-2-agoniste ayant des propriétés voisines de celles de l’éphédrine.
Compte tenu que le monde du sport joue en permanence à cache-cache avec la liste des substances illicites depuis plusieurs années ont été ajoutées les deux règles suivantes :
L’AMA aurait dû faire appel de la décision de l’UEFA de blanchir Sakho. Elle en avait le droit et le devoir. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait alors que c’est elle qui a validé la présence de l’higénamine dans la liste rouge en mars 2016 ? Cette substance ayant des propriétés stimulantes similaires aux bêta-2-agonistes et à l’éphédrine répondait parfaitement aux critères du dopage. Quoi qu’il en soit, depuis le 1er janvier 2017, l’higénamine figure en toutes lettres à la section S3 des bêta-2-agonistes.
Post-scriptum – Ce texte concerne également les instances du rugby, les praticiens impliqués dans le suivi des joueurs (club, équipe de France, commissions antidopage) ainsi que les joueurs du Racing 92 contrôlés positifs à l’higénamine.
Mamadou Sakho
En dehors du fait que la substance incriminée, l’higénamine, était bien interdite et connue comme telle avant le 17 mars date du contrôle de l’international français lors du match de Ligue Europa Liverpool-Manchester United, on comprend difficilement la mansuétude de l’UEFA.
Sauf si l’on sait que la règle intangible des Fédérations internationales est de montrer qu’elles luttent avec pugnacité contre le fléau (urine et sang testés, passeport biologique, localisation des joueurs pour contrôle inopiné, horaires nocturnes des tests sur des joueurs ciblés) tout en espérant surtout n’attraper personne pour ne pas écorner l’image de leur sport.
Si Sakho avait été contrôlé positif à l’higénamine (un bêtastimulant) dans le championnat de France de Ligue 1, un procès-verbal du labo de Châtenay-Malabry (92) aurait été transmis à la fédé dirigée par Noël Le Graet engageant ainsi une procédure par sa commission antidopage. Si cette dernière avait rendu un jugement de relaxe acceptant les explications « d’ignorance » du joueur, nul doute que l’AFLD (Agence française de lutte antidopage) – le gendarme placé au-dessus des fédérations, responsable de la traque des tricheurs sur le sol français, aurait repris en mains le dossier Sakho avec, au bout de la procédure, une suspension de plusieurs mois pour le défenseur de Liverpool. Dans le cas présent du contrôle de Sakho lors d’un match de Ligue Europa c’est à l’AMA ou à la FIFA d’assumer le rôle de gendarme indépendant reprenant le dossier afin de vérifier que l’UEFA a joué pleinement son rôle de garant de l’éthique. Il est peu probable que ces deux instances aient réellement envie d’entrer en conflit contre la forte confédération européenne.
Le ”super gendarme” français
Pour bien comprendre la mansuétude anormale de l’UEFA, il faut signaler que depuis 2004, le Code mondial antidopage stipule que la liste des interdictions comprend des substances spécifiées, notamment parmi de nombreux stimulants tels que l’higénamine, susceptibles d’entraîner une violation ‘’non intentionnelle’’ des règlements antidopage, compte tenu de leur présence fréquente dans des compléments alimentaires.
Le Code prévoit que toutes les substances interdites – à l’exception des substances comprises dans les catégories lourdes comme les agents anabolisants (testostérone, stéroïdes) et les hormones (EPO, hormone de croissance), ainsi que les stimulants forts (amphets, cocaïne…) deviennent des-« substances spécifiées» à des fins de sanction. Cela signifie que quand un sportif peut établir comment une substance spécifiée est entrée dans son corps ou est entrée en sa possession, et que cette substance spécifiée n’était pas destinée à améliorer sa performance sportive,-la sanction peut être réduite au minimum à une réprimande sans période de suspension, et au maximum à une suspension de deux ans. Il est important de noter que ces substances spécifiées, telles que définies dans le Code, ne sont pas nécessairement des agents dopants moins importants que les autres substances interdites (par exemple, un stimulant listé comme étant une substance spécifiée pourrait être efficace pour un sportif en compétition).
Pour cette raison, un sportif qui ne satisfait pas aux critères de réduction pourrait se voir imposer une suspension pouvant aller jusqu’à 4 ans en cas de circonstances aggravantes. Cependant, il existe de plus grandes probabilités que les substances spécifiées, par opposition aux autres substances interdites, pussent faire l’objet d’explications crédibles non liées au dopage. Précisons que l’higénamine (un bêtastimulant) améliore les performances de vista du footballeur (accélération instantanée, détente verticale, etc.) et qu’à ce titre fait partie de la liste rouge.
Camouflée dans une préparation commercialisée dans la catégorie des brûleurs de graisse, elle (l’higénamine) permet au joueur et à ses avocats d’affirmer ignorer la présence de cette molécule indésirable, de jouer l’ingénu et de faire ainsi croire la main sur le cœur n’avoir jamais voulu tricher. Ces dernières années, de nombreux sportifs, afin d’éviter une longue suspension – voire d’espérer une simple amende – se sont défendus avec l’excuse du brûleur de graisse contaminé.
Cette modulation des sanctions est de la responsabilité de la Fédération internationale de football qui n’a signé le Code mondial antidopage le 21 mai 2004 qu’à la condition impérative qu’il y ait, suivant le type de substances, une graduation des poursuites disciplinaires. Les footballeurs qui ne sont pas tous idiots ont compris qu’on pouvait se doper avec des substances efficaces (certains stimulants dans la section des spécifiés) et qu’ensuite avec l’aide d’un bon avocat, on pouvait jouer les naïfs en expliquant que le produit en cause dans le test positif n’était pas listé sur le code de l’AMA ni précisé en toutes lettres sur la boîte.
Noël Le Graet
Du côté français, je ne suis pas sûr que Noël Le Graet soit la bonne personne pour faire peur aux dopés du ballon rond. Avec son long passé dans le milieu du foot [président de l’En Avant de Guingamp (1972-1991 et 2002-2011) et président de la Ligue nationale de football depuis 2011], il a quand même osé affirmer sur la radio RTL Sports : « Le dopage, je n’y crois pas en football ».
Rappelons que la responsabilité d’un dirigeant commence avec le refus de savoir.
Ajoutons que c’est la compétition qui génère le dopage et ce d’autant plus qu’elle est médiatisée. Il n’y a aucune raison que les footballeurs soient épargnés par cette dérive ou alors il faut imaginer qu’ils sont recrutés chez les enfants de chœur alors que les autres sportifs (athlètes, cyclistes, haltérophiles, footballeurs américains, hockeyeurs) le sont chez les malfrats.
L’Equipe, 13 juillet 2016 – Noël Le Graet n’a jamais été un grand pourfendeur du dopage
Sur la demande de la Fédération internationale de football, le Code mondial antidopage distingue des substances lourdes (dénommées ‘’non spécifiées’’) dont le tarif minimum est de deux ans quel que soit l’excuse du joueur et de son avocat et des substances dites ‘’spécifiées’’ (moins puissantes) qui donnent la possibilité aux sportifs d’invoquer une absorption par ignorance sans l’intention d’améliorer leurs performances.
Avec les stimulants spécifiés, la sanction peut être réduite (au minimum un avertissement et au maximum deux ans pleins).
Depuis, les sportifs jouent sur cette distinction pour se doper avec un stimulant spécifié et grâce à un bon avocat s’en tirer avec un simple avertissement, voire être blanchi complètement.