Cette course aux records est orchestrée par les équipementiers, notamment Nike et le groupe Ineos dirigé par le magnat de la chimie Jim Ratcliffe.







La dernière en date c’est lorsque une journaliste de L’Equipe, dans la page Extra du 8 mars, nous fait le portait d’Alberto Salazar, ancien triple vainqueur du marathon de New York, aujourd’hui responsable d’une structure d’entraînement top niveau – Nike Oregon Project – créée en 2001.
On apprend dans ce papier que le natif de La Havane (Cuba) est un perfectionniste, toujours à la recherche de ‘’gains marginaux’’ comme Dave Brailsford le team manageur de l’équipe cycliste Sky.
La journaliste du quotidien sportif écrit qu’ « il est l’un des premiers à se préparer dans un caisson hyperbare reconstituant les conditions d’une altitude de 2 000 m, à dormir dans une chambre hypoxique recréant la raréfaction de l’oxygène à 4 000 m d’altitude. »
Première erreur : les Soviétiques, dès les années 1960 (rappelons que Salazar, né en 1958, aurait eu du mal à l’âge de 2 ans à jouer le rôle de pionnier), utilisaient des chambres d’hypoxie pour booster le corps à produire plus d’EPO et, par ricochet, des globules rouges. D’écrire qu’il se préparait dans un caisson hyperbare pour reconstituer les conditions à une altitude de 2000 m s’appelle une grosse boulette !
En effet, un tel caisson n’a rien à voir avec l’hypoxie mais à son contraire avec l’hyperoxie. Quand on n’a pas la légitimité pour parler de physiologie, on s’adresse a minima à Wikipedia, ce que n’a pas fait la collaboratrice de L’Equipe. Les caissons hyperbares sont destinés à soigner des accidents de plongée sous-marine dits de décompression ainsi que des pathologies où il est nécessaire de réoxygéner les tissus (en sport, on s’en sert pour des blessures musculaires à répétition).
Wikipedia : Le caisson hyperbare, également appelé caisson de recompression ou chambre hyperbare, est une installation médicotechnique étanche au sein de laquelle un ou plusieurs patients peuvent être exposés à une pression supérieure à la pression atmosphérique, ce qui permet principalement d’accroître l’oxygénation des tissus. Lors du traitement hyperbare, un médicament, le plus souvent un gaz thérapeutique comme l’air médical, l’oxygène médical, ou un mélange de gaz médicinaux (héliox, nitrox…), peut également être administré via un masque. Le traitement est généralement supervisé depuis l’extérieur de l’enceinte hyperbare par un opérateur hyperbare selon un protocole établi à l’avance. [Dernière modification de cette page le 20.05.2016]
En revanche, les chambres d’altitude créent une hypoxie normobare. Elles n’abaissent pas la pression atmosphérique mais modifie la composition de l’air en diminuant la part de l’oxygène, ce qui favorise l’adaptation du corps à cette situation de manque en boostant la production de globules rouges de façon endogène dite naturelle.
L’Equipe, 08 mars 2017
Depuis les années 1960, on sait que la médicalisation de la performance a atteint un niveau difficilement dépassable. Dans la confrérie des avaleurs de « dragées de confort », il y a des sportifs boulimiques.
C’est ainsi que l’on peut apprendre en lisant l’ouvrage « La Médecine sportive » du docteur américain Gabe Mirkin, que Bob Scharf, le recordman officieux de cette spécialité non encore reconnue par les instances internationales, courait dans les années 1960 à un très bon niveau. Sa dose quotidienne : 50 comprimés sélectionnés dans 19 préparations médicamenteuses différentes.. Pour justifier ce score impressionnant, l’athlète répondait par cette boutade : « Si elles sont efficaces, je n’en serai que meilleur, sinon, je n’aurai perdu que de l’argent. »
La Médecine sportive. – Les Editions de l’Homme, 1981, 322 p
Cinquante-deux ans plus tard, le demi-d’ouverture bien connu au RC Toulon, Jonny Wilkinson, dans son autobiographie « Mémoires d’un perfectionniste » publiée en 2012, témoigne à propos de la Coupe du monde 2003 en Australie, que l’équipe de Grande-Bretagne était gavée quotidiennement de pilules multicolores : « Certains ont droit à une trentaine de différentes pilules ou comprimés à avaler chaque jour. Ils y tiennent tellement qu’au beau milieu de la nuit on doit se réveiller à intervalles réguliers pour avaler nos doses de protéines ».
Donc, la médicalisation de la performance remonte à des décennies. Pour les deux exemples cités, la plupart des substances ne faisaient pas partie de la liste rouge.
Mémoire d’un perfectionniste. – éditions JC Lattès, 2012, 440 p
En revanche, récemment, deux sportifs – l’un cycliste, l’autre rugbyman – ont atteint des records de consommation de produits dopants. Un pédaleur ‘’allumé’’ dépasse d’une courte tête un rugbyman ‘’survolté’’.
Pour le cycliste, l’affaire s’est déroulée en 2011. C’est RTLsport.be qui la rapporte : « Le Français Alexandre Dougnier a été suspendu trois ans par la Fédération française de cyclisme, après avoir été contrôle positif à pas moins de 12 substances interdites, le 17 mai 2011 à l’occasion d’une épreuve de kermesse à Aubervilliers en France. Ce coureur de 3e catégorie à l’AC Boulogne-Billancourt, présentait dans ses urines des traces de 3’hydroxystanozolol, de 16b-hydroxystanozolol, de 4B-hydroxystanozolol, de 4-méthylhexanamine, de prednisolone, d’oxandrolone, d’épioxandrolone, de tuaminoheptane, de trimacinolone acétonide, de 6B-hydroxymétandiénone et de 17-epiméthandiénone, selon les détails du communiqué de la fédération. »
En mars 2016, avec ironie, la Gazzetta dello Sport, à propos d’un joueur à XV, salue un véritable record. C’est l’Agence France-Presse via Le Monde qui, le 25 mars 2016, répercute l’information : « Davide Vasta, joueur de l’Amatori Catania, un club de Série B, le troisième échelon du rugby italien, a été contrôlé positif à onze substances interdites lors d’un contrôle hors compétition. Parmi les substances détectées, ce contrôle a permis de déceler essentiellement des anabolisants, notamment la testostérone, le méthandrosténolone, la mestérolone ou la nandrolone. »
Selon le quotidien italien, le onzième produit décelé était probablement utilisé pour « redimensionner les glandes mammaires », le cocktail d’anabolisants ingurgité par le rugbyman pouvant provoquer un développement des seins chez les hommes. Le joueur a été suspendu à titre conservatoire.
Donc, jusqu’à preuve du contraire, c’est le cycliste le recordman du monde et ce pour une molécule de plus.
Sur le même thème de l’hypermédicalisation tous azimuts, L’Equipe du 2 mars 2017, a fait une enquête forcément exclusive visant « la dérive médicamenteuse des athlètes d’Alberto Salazar, coach responsable du Nike Oregon Project (NOP), structure à laquelle appartient le britannique Mo Farah le quadruple champion olympique 5000-10000 m des JO 2012-2016. »
Quand on lit les ordonnances publiées dans L’Equipe à propos des athlètes du Nike Oregon Project Galen Rupp et Shannon Rowbury, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Salazar joue petit bras.
Le 22 mai 2016, Rowbury, l’athlète américaine spécialiste du 1500 m absorbe les prescriptions de son ordonnance la plus longue qui ne comportent qu’une quinzaine de comprimés. Chiffre très éloigné du marathonien Bob Scharf et des rugbymen de l’équipe d’Angleterre championne du monde 2003.
Une fois de plus, on nous « gonfle » !
L’Equipe, 2 mars 2017
POST-IT – Alberto Salazar, un spécialiste des épreuves de fond, au mental jusqu’au boutiste
L’Américain Alberto Salazar, l’un des meilleurs marathoniens des années 1980, a été victime en 1982 d’une hypothermie. Le 19 avril, à l’arrivée du marathon de Boston qu’il avait remporté en 2 heures 8 minutes 51 sec., Salazar dut faire appel aux soins énergiques des médecins pour le… réchauffer. En effet, sa température corporelle tomba à 32°, soit 5° en dessous du niveau thermique de repos et à plus de 6°5 de la température habituelle à la fin d’un 42 km 195 couru par 21° de température ambiante.
Coup de froid : les 4 points boosters
Enveloppé d’épaisses couvertures de laine, l’Américain reçut une perfusion de trois litres de sérum physiologique “enrichi” en dextrose et en sels minéraux. Après 40 minutes de goutte à goutte, sa température remonta progressivement à 36°1. Salazar put alors retourner chez lui.
Alberto Salazar à l’arrivée du marathon de Boston 1982 a reçu une perfusion de trois litres de sérum enrichie en glucose et sels minéraux
Le cas Salazar n’est pas isolé puisque à l’arrivée de ce même marathon de Boston, nombreux furent les concurrents qui se présentèrent sur la ligne d’arrivée dans le même état que le vainqueur. Dave Costill, physiologiste spécialiste du marathon, a révélé à cette occasion qu’il avait enregistré un 29°4 de température rectale. Ce genre de défaillance survient lorsque quatre facteurs s’ajoutent :
- ensoleillement direct (absence de nuages qui réfléchissent une partie des rayons),
- degré hygrométrique bas,
- fort vent contraire (dès l’arrivée favorise le refroidissement du corps),
- vitesse de course élevée (lors de l’épreuve de Boston, le meilleur performer mondial (MPM) de l’époque a dû s’employer à fond pour vaincre son compatriote Dick Beardsley, battu seulement de 2 secondes sur… 42 km 195).
L’explication de ce phénomène est la suivante ; lorsque la course arrive à son terme, le coureur, comme ses vêtements, est couvert de sueur. L’évaporation et le refroidissement, en raison du vent, continuent avec la même intensité que durant l’épreuve, alors que la production de chaleur diminue brutalement.
4 ans avant l’hypothermie, il s’était coltiné un coup de… chaud !
La régulation thermique se trouvant ainsi profondément perturbée, et en très peu de temps, la température du corps qui avait grimpé pendant l’exercice, peut chuter très bas pour atteindre le stade d’hypothermie tel que celui qu’a présenté Salazar lors du marathon de Boston. Pour éviter cette conséquence fâcheuse, il est indispensable de rester actif après l’effort de manière à limiter le refroidissement, par ailleurs inévitable, puisque la chaleur alors produite est beaucoup moins importante que celle dégagée pendant la course.
A l’inverse, Salazar, à l’arrivée de The Falmouth Road Race – épreuve de 7 miles en août 1978 dans l’Etat de Massachusetts – a été victime d’un coup de chaleur. Sa température corporelle avait atteint 41°5 sous l’action conjuguée d’un temps chaud et humide et d’un effort intense. Pour le refroidir, on avait dû le plonger dans une baignoire de glace et on pensait sa dernière heure arrivée. Ce jour là, son père, qui se trouvait parmi les spectateurs, avait déclaré : « Un jour, à force de faire des efforts aussi inouïs, mon fils mourra. » Le 30 juin 2007, le triple vainqueur lauréat du marathon de Big Apple est victime d’une attaque cardiaque qui nécessite 8 jours d’hospitalisation.
Alberto Salazar (vêtu de noir) accompagnant Lance Armstrong lors du marathon de New York 2006
Pour l’anecdote, âgé de 48 ans le 5 novembre 2006, Alberto Salazar a accompagné pendant 16 km le cycliste Lance Armstrong lors de son premier marathon de New York. Joan Benoit Samuelson, la championne olympique de 1984, a fait les 16 km suivants et c’est le Marocain Hicham El Guerrouj – champion olympique du 1500 m en 2004 – qui a couru les 10 derniers kilomètres. En raison de ses sanctions pour dopage dans le Tour de France, le temps d’Armstrong – 2 h 59’ 36 sec. – a été effacé en 2012 par les organisateurs de l’épreuve newyorkaise.
L’Agence France-Presse, le Monde.fr et L’Equipe, ont répercuté l’information du quotidien britannique Sunday Time révélant des soupçons de dopage formulés dans un rapport de l’Agence antidopage américaine (USADA), mis au jour par le groupe des hackers Fancy Bears, qui affirmait qu’Alberto Salazar – triple vainqueur du Marathon de New York au détours des années 1980 mais surtout coach de l’athlète Mo Farah, quadruple champion olympique du 5 000 m et de 10 00 m – proposait pour améliorer les performances de ses athlètes, des médicaments tels que la L.carnitine injectable (mis sur le marché français en 1988).
Alberto Salazar, triple vainqueur du Marathon de New York, coach de Mo Farah
L’athlète Mo Farah, quadruple champion olympique du 5 000 m et du 10 000 m
Ces pratiques douteuses avaient déjà été évoquées en 2015 sans que cela débouche sur une condamnation de la part de l’USADA.
Quoi qu’il en soit, la L.carnitine mise en cause, utilisée par les sportifs depuis les années 1970, n’a jamais figuré sur la liste rouge de l’IAAF (Fédération internationale d’athlétisme). Donc pas de quoi en faire toute une affaire.
En fait ce qui motive mon billet, c’est la mauvaise traduction du mot anglais INFUSION qui perturbe la lecture. En effet, dans le Monde.fr du 26 février, il est écrit que : « Salazar abusait de médicaments sur ordonnance et faisait des expérimentations avec des INFUSIONS d’un complément expérimental à base de l’acide aminé L-carnitine, sur son site d’entraînement dans l’Oregon. »
En français, le mot INFUSION signifie « préparation obtenue en versant de l’eau bouillante sur une substance (végétale par exemple) pour en extraire les principes actifs. Les tisanes de camomille, menthe, tilleul, verveine, thé sont des infusions. »
Infusion de mélisse Perfusion intraveineuse
Chez nos voisins d’outre-Manche, le mot infusion signifie à la fois tisane et PERFUSION. Cette dernière associée à la L.carnitine était bien sûr la bonne traduction. Dans l’Hexagone, l’infusion se boit, la perfusion s’injecte. Il est probable que le jargon des sportifs mis sur écoute va dorénavant s’enrichir du code ‘’infusion’’ pour, bien sûr, tromper les enquêteurs.
Au fil des années, il m’a fallu combattre d’autres mastics tels qu’antidopage (sans trait d’union), la nandrolone (au féminin), les stéroïdes anabolisants aux effets diamétralement opposés à ceux des glucocorticoïdes, lateral (côté externe), médial (côté interne proche du plan médian)
Ces différentes erreurs sont symptomatiques d’un manque de professionnalisme des traducteurs des dépêches anglosaxonnes, ce qui doit certainement toucher d’autres paramètres de l’information.